Les injonctions de payer et de faire

06/03/2021 - mise à jour : 06/03/2021

Les procédures d’injonction de payer ou de faire sont des procédures simplifiées et non contradictoires permettant d’obtenir une injonction adressée, à l’initiative du créancier, par le juge au débiteur, lui ordonnant de payer une certaine somme à son créancier ou faire quelque chose au profit du créancier, ou de former opposition à l’ordonnance.

• La procédure d’injonction de payer peut se définir comme une procédure de recouvrement simplifié de certaines créances tendant à la délivrance d’un titre exécutoire. Elle se caractérise par la mise à l’écart du contradictoire dans la première phase de sa procédure.

Le système a été introduit en droit français par le décret-loi du 25 août 1937 sous le nom de « procédure simplifiée pour le recouvrement des petites créances commerciales » et a été inspirée par la Mahnverfahren germanique. La matière est aujourd’hui régie par les articles 1405 à 1425 du code de procédure civile.

• La procédure d‘injonction de faire est une procédure d’injonction qui permet au créancier d’une obligation de faire d’obtenir du juge qu’il enjoigne à son débiteur de l’exécuter en nature, au terme d’une procédure gracieuse. Elle doit permettre de régler rapidement et simplement des petits litiges du droit de la consommation, lorsque le professionnel est tenu à l’égard du consommateur à une obligation de faire. Elle peut notamment être utilisée lorsque la valeur en litige est trop faible pour introduire une action en justice longue et coûteuse.

Elle a été introduite dans le droit français par le décret n°88-209 du 4 mars 1988 relatif aux petits litiges devant les tribunaux d’instance

• La procédure d’injonction de payer européenne  est conçue pour le recouvrement des créances contractuelles transfrontalières des entreprises et a été instituée par le règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006.

L'injonction de payer

La procédure d’injonction de payer est régie par les articles 1405 à 1424 du code de procédure civile.

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►Quels litiges?

La procédure d’injonction de payer  est destinée à régler rapidement les litiges ayant pour origine (article 1405 du code de procédure civile):
– un contrat ou  une obligation de caractère statutaire (des cotisations dues à la sécurité sociale, à une caisse de retraite etc) dès lors que le montant demandé est déterminé
-une créance résultant de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ou de l’acceptation de la cession de créance professionnelle par bordereau Dailly.
Elle concerne également:
– le recouvrement de créances de charges de syndicats de copropriétaires
– le recouvrement des dommages-intérêts que l’auteur du dommage s’est engagé à verser dans le cadre d’une médiation pénale ou une composition pénale

Si la créance est d'un montant inférieur ou égal à 5 000 €, il convient de procéder au préalable à une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative (article 750-1 du code de procédure civile)

►Quelle juridiction compétente?

La demande doit être adressée au tribunal du lieu où demeure le débiteur ou l’un des débiteurs (sauf pour les requêtes des syndicats de copropriétaires contre leurs membres, pour lesquelles le tribunal du lieu de situation de l’immeuble est compétent).

Selon la nature et le montant de la demande, le tribunal compétent est:
•  le juge des contentieux de la protection pour une demande en matière civile
– d’un montant inférieur ou égal à 10 000 €
– ou quel qu’en soit le montant, lorsque l’injonction de payer concerne une demande relevant de la compétence exclusive du juge des contentieux de la protection (par exemple une demande relative à un contrat de crédit à la consommation, des loyers impayés etc).
•  le président du tribunal judiciaire pour une demande en matière civile
– d’un montant supérieur à 10 000 €
– et qui ne relève pas expressément de la compétence d’une autre juridiction
• le président du tribunal de commerce si la créance est de nature commerciale et quel qu’en soit le montant.

►Quelle procédure?

La requête en injonction de payer  doit être écrite (vous pouvez utiliser le formulaire de demande en injonction de payer devant le tribunal judiciaire cerfa 12948-05 ou le formulaire de demande en injonction de payer président du tribunal de commerce cerfa 12946-01, accompagné des documents justificatifs).

Le dépôt de la requête n’interrompt pas les délais de prescription ou de forclusion.

Elle peut être déposée ou adressée par courrier au greffe par le créancier lui-même, tout mandataire de son choix muni d’un pouvoir spécial,  un huissier de justice ou un avocat.

►La décision

Le juge rend sa décision sans audience.

Si le juge estime que la demande n’est pas justifiée ou qu’il est incompétent, il rend une ordonnance de rejet. Cette décision est sans recours. Le demandeur peut alors agir selon les voies de droit commun (voir les règles générales du procès civil)

Si le juge estime que la demande est au moins partiellement justifiée, il rend une ordonnance portant injonction de payer. Cette décision est sans recours pour le créancier qui:
- s’il n’est pas satisfait, peut choisir de ne pas la faire signifier et agir selon les voies de droit commun.
- s’il est satisfait , doit faire signifier l’ordonnance par un huissier de justice au(x) débiteur(s), dans un délai impératif de six mois à compter de la date de l’ordonnance.

►Quelles voies de recours?

Le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour contester l’ordonnance d’injonction de payer, par la voie de l’opposition.

Ce délai court:
– à compter de la date de signification de l’ordonnance, si cette signification est faite à la personne du débiteur
– à compter du premier acte signifié  à personne ou du premier acte rendant les biens du débiteur indisponibles

Le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle interrompt ce délai de recours.

Pour former opposition, le débiteur  (ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial) doit  faire une déclaration (contre récépissé) au greffe de la juridiction qui a rendu l’ordonnance, ou lui adresser un courrier recommandé avec accusé de réception.

Lorsque le litige relève de la compétence du tribunal judiciaire statuant selon la procédure orale, ou du juge des contentieux de la protection ou le tribunal de commerce, le greffe convoque l’ensemble des parties à une audience et la procédure se poursuit selon le droit commun. Les parties ne peuvent être représentées, à l’audience, que par les personnes énumérées à l’article 762 du code de procédure civile.

Si aucune des parties ne comparaît à l’audience, le juge constate l’extinction de l’instance, qui rend l’ordonnance non avenue.

Si le débiteur se désiste de son opposition, le créancier peut demander l’apposition sur l’ordonnance de la formule exécutoire, l’ordonnance étant définitive.

Si l’une ou l‘autre des parties comparaissent, le  jugement rendu sur opposition par le tribunal se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer et peut à son tour être contesté selon les voies de recours habituelles (appel pour les demandes supérieures à 5000 €, pourvoi en cassation pour les demandes inférieures ou égales à 5000 €, opposition si le jugement est rendu par défaut).

Lorsque le litige relève de la compétence du tribunal judiciaire statuant selon la procédure écrite, le greffe adresse au créancier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie de la déclaration d'opposition. L'affaire est ensuite instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire. Le créancier doit constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la notification et doit en informer le débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, lui indiquant qu'il est tenu de constituer avocat dans un délai de quinze jours.

►Comment exécuter?

Si le débiteur ne forme pas d’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer ou se désiste de son opposition,  le demandeur doit solliciter auprès du greffe, par déclaration ou lettre simple, l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance,  dans le délai impératif d’un mois suivant l’expiration du délai pour former opposition ou suivant le désistement du débiteur. Un huissier de justice pourra  procéder à  l’exécution de l’ordonnance.

Si le débiteur a formé opposition, le jugement rendu sur opposition devra être signifié par un huissier de justice et pourra être exécuté dans les conditions habituelles.

schéma de la procédure d'injonction de payer

schéma de la procédure d'injonction de payer

L'injonction de faire

La procédure d’injonction de faire est régie par les articles 1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile.

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►Quels litiges?

La procédure d’injonction de faire  est destinée à voir exécuter  en nature une obligation née d’un contrat conclu entre des personnes n’ayant pas toutes la qualité de commerçant.

Elle n'est possible que lorsque la valeur de la prestation dont l'exécution est réclamée n'excède pas le taux de compétence du tribunal judiciaire statuant en matière de procédure orale (à savoir inférieure ou égale à 10 000 €), ou quel qu’en soit le montant, lorsque l’injonction de faire concerne une demande relevant de la compétence exclusive du juge des contentieux de la protection.

Dans la mesure où l'injonction de faire ne tend pas au paiement d'une créance, une tentative préalable de conciliation, médication, ou procédure participative n'est pas obligatoire, mais reste recommandée (article 750-1 du code de procédure civile).

►Quelle juridiction compétente?

La demande doit être adressée au tribunal judiciaire soit du lieu où demeure le défendeur ou l’un des défendeurs, soit au tribunal du lieu d’exécution de l’obligation.

►Quelle procédure?

La requête en injonction de faire doit être écrite (via le formulaire de demande en injonction de faire cerfa 11723-11 ou sur papier libre) et accompagnée des documents justificatifs. Elle doit contenir les mentions prescrites par l'article 57, outre l'indication précise de la nature de l'obligation dont l'exécution est poursuivie, le fondement de celle-ci et éventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d'inexécution de l'injonction de faire.

L’enregistrement de la requête au greffe interrompt les délais de prescription ou de forclusion.

Elle peut être déposée ou adressée par courrier au greffe par le créancier lui-même, un avocat ou un mandataire cité à l'article 762 du code de procédure civile muni d’un pouvoir spécial.

►La décision

Le juge rend sa décision sans convocation du demandeur à une audience.

Si le juge estime que la demande n’est pas justifiée ou qu’il est incompétent, il rend une ordonnance de rejet. Cette décision est sans recours. Le demandeur peut cependant agir selon les voies de droit commun.

Si le juge estime que la demande est justifiée, il rend une ordonnance portant injonction de faire; il  fixe l’objet de l’obligation et le délai et les conditions dans lesquelles celle-ci doit être exécutée; il fixe les jour, heure et lieu de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée. Cette décision est sans recours pour le créancier.

Le greffe notifie l’ordonnance aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception.

►L’audience

Si l’obligation a été exécutée avant l’audience, le demandeur en informe le greffe et l’affaire est retirée du rôle.

Si l’obligation n’a pas été exécutée, l’affaire est jugée selon la procédure de droit commun (voir les règles générales d’un procès civil).

L'injonction de payer européenne

Cette procédure,  conçue pour le recouvrement des créances contractuelles transfrontalières des entreprises a été instituée par le règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 dont les annexes ont été modifiées par le règlement (UE) 936/2012 de la commission du 4 octobre 2012.

Les articles 1424-1 à 1424-15 du code de procédure civile (issus du décret no 2008-1346 du 17 déc. 2008 relatif aux procédures européennes d’injonction de payer et de règlement des petits litiges) et la circulaire DACS C3 06-09 du 26 mai 2009 relative à l’application du règlement [CE] no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 déc. 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer) ont précisé les modalités d’application de cette procédure en France.

L’article L 212-8 du code de l’organisation judiciaire prévoit la compétence du tribunal judiciaire à juge unique.

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►quels litiges?

La procédure européenne d’injonction de payer ne concerne que les litiges transfrontaliers (« litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie »).

Elle s’applique en matière civile et commerciale et ne peut porter que sur des créances pécuniaires liquides et exigibles (il ne peut donc s’agir d’injonctions de faire ou de ne pas faire) quel que soit leur montant.

Elle est exclue en matière fiscale, douanière ou administrative, pour les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions, les faillites, concordats et autres procédures analogues et la sécurité sociale. Elle ne s’applique pas aux créances découlant d’obligations délictuelles ou quasi délictuelles, sauf si elles ont fait l’objet d’un accord entre les parties, qu’il y a eu une reconnaissance de cette dette ou qu’elles concernent des dettes liquides découlant de la propriété conjointe d’un bien (ex: dettes de copropriété portant sur un bien détenu à l’étranger)

Elle concerne les créances contractuelles et ne peut s’appliquer aux obligations alimentaires que si ces obligations ont fait l’objet d’un accord entre les parties ou d’une reconnaissance de dettes. Elle s’applique notamment aux créances de salaires.

►quelle procédure?

Elle est introduite par le dépôt d’un formulaire type (formulaire de demande d’injonction de payer européenne) devant le tribunal du lieu du domicile du défendeur (ou d’un des défendeurs)

Le formulaire est adressé déposé au greffe ou adressé au tribunal par courrier recommandé avec accusé de réception (la représentation par avocat n’est pas obligatoire). Le demandeur ne doit pas produire les pièces justificatives de sa demande (mais les énumérer).

Le tribunal doit rendre sa décision dans un délai de trente jours à compter de l’introduction de la demande ou, le cas échéant,  ou du jour où il l’a complétée, rectifiée ou modifiée:

  • s’il estime que la demande est manifestement infondée, il rejette la demande.
  • s’il estime que la demande n’est pas manifestement infondée, il délivre une ordonnance d’injonction de payer.
  • s’il estime que la demande est partiellement fondée, il peut, avec l’accord du demandeur, rendre une ordonnance pour partie de la demande (le demandeur ne pourra réclamer le reliquat via une procédure habituelle que s’il ne signifie pas l’ordonnance).

L’ordonnance  doit être signifiée au(x) débiteur(s) par voie d’huissier.

►quelles voies de recours?

Une décision de rejet n’est pas susceptible de recours.

Une ordonnance d’injonction de payer est susceptible d’opposition dans un délai de trente jours à compter de sa signification. L’opposition doit être formée auprès de la juridiction qui a rendu l’ordonnance , par remise au greffe ou courrier recommandé avec accusé de réception. Le jugement sur opposition, prononcé à l’issue d’une procédure contradictoire, se substitue à l’ordonnance et est susceptible d’appel s’il porte sur une créance de plus de 5000 €.

Après l’expiration du délai de trente jours, le défendeur qui n’a pas formé opposition peut demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction qui a rendu l’injonction:

  • si l’injonction de payer a été signifiée  sans être assortie de la preuve de sa réception par le défendeur et la signification n’est pas intervenue en temps utile pour lui permettre de préparer sa défense
  • ou si le défendeur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires.

La procédure de réexamen est identique à la procédure sur opposition et n’est recevable que si l’absence de contestation n’est  pas imputable à une faute du défendeur.

►comment exécuter?

A l’issue d’un délai d’un mois et 10 jours,  et à défaut d’opposition, le  greffe appose la clause exécutoire sur l’ordonnance.

L’ordonnance d’injonction de payer européenne revêtue de la clause exécutoire, ou le jugement rendu après opposition ou réexamen, peuvent être exécutés directement dans tout État de l’Union européenne, sans aucune procédure de reconnaissance préalable ou d’exequatur.

L’exécution se déroule selon le droit national de l’État membre dans lequel elle est demandée.

Le créancier voulant faire exécuter l’ordonnance d’injonction de payer dans un autre État membre  que  celui qui l’a rendue doit produire aux autorités d’exécution une copie de l’ordonnance  déclarée exécutoire réunissant toutes les conditions nécessaires pour garantir son authenticité (formulaire E) et sa traduction dans la langue de l’État d’exécution ou dans la langue qu’il a déclaré accepter.

Sur demande du débiteur, l’exécution de l’injonction de payer européenne est refusée quand l’injonction est incompatible avec une décision ou injonction rendue antérieurement, reconnue dans l’État membre d’exécution, et portant sur un litige ayant la même cause entre les mêmes parties, à condition qu’il n’ait pas été possible d’invoquer cette incompatibilité au cours de la procédure d’injonction de payer.

L’exécution est également refusée lorsque le débiteur a intégralement réglé la créance (notamment lorsqu’une mesure d’exécution menée dans un autre État membre a permis le recouvrement de la créance).

schéma de la procédure d’injonction de payer européenne

schéma de la procédure d'injonction de payer européenne