Les audiences filmées

31/01/2023 - mise à jour : 31/01/2023

Jusqu'à cette réforme, la captation sonore ou audiovisuelle des audiences ne pouvait être autorisée que dans les cas suivants:

  • prises de vue avant les débats (article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881)
  • enregistrement des procès d'assises à des fins procédurales (article 308 du code de procédure pénale)
  • enregistrement et diffusion d'un procès entre plusieurs salles d'audience (article L111-12 du code de l'organisation judiciaire)
  • enregistrement des audiences publiques devant les juridictions de l'ordre administratif ou judiciaire, lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice (article L221-1 et suivants du code du patrimoine)

Désormais, hors les cas susvisés, l'enregistrement et la diffusion des audiences, notamment pour les reportages télévisés, devra s'inscrire dans le cadre juridique de la loi du 22 décembre 2021 et le décret du 31 mars 2022.

Documents à télécharger

Les audiences concernées

L'enregistrement et la diffusion peuvent concerner:

  • les audiences publiques  et les audiences non publiques,
  • du Tribunal des conflits, du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes, des cours administratives d'appel, des tribunaux administratifs, des cours d'appel et des autres juridictions de l'ordre judiciaire (tribunal judiciaire, conseil de prud'hommes etc)
  • les audiences dans le cadre d'une enquête ou une information judiciaire.

L'enregistrement des audiences devant la Cour de justice de la République (décision n°2021-830 DC du 17 décembre 2021 du Conseil constitutionnel) et des audiences devant le Conseil constitutionnel (notamment les audiences concernant les questions prioritaires de constitutionnalité) n'est donc pas concerné par ces nouvelles dispositions.

La demande d’autorisation

La demande d'autorisation d'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience en vue de sa diffusion est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, via le bureau de presse, par mail à l’adresse presse-justice@justice.gouv.fr

La demande doit préciser:

  • l’audience concernée, ou, a minima, la juridiction concernée et le type d’audience
  • le motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique qui justifie la demande
  • les conditions d’enregistrement et de diffusion
  • le format du reportage ou du documentaire (durée finale après montage)
  • la chaîne le diffusant, ainsi que le nom de l'émission ;
  • l'angle général, avec une description circonstanciée du projet éditorial
  • la durée et les dates du tournage
  • la constitution de l'équipe de tournage.

Une juridiction ou un magistrat sollicité directement par un média ne peut donc plus prendre de décision d'autorisation, le média devant formuler sa demande devant le ministre de la Justice.

Dès réception de la demande, le garde des sceaux, ministre de la justice, la transmet à l'autorité appelée à statuer (cf infra)

L'autorisation

► L'avis du ministre de la Justice

L'autorisation ne peut être délivrée qu'après avis du ministre de la justice.

Le ministre dispose d'un délai de  quinze jours à compter de la réception de la demande pour transmettre son avis à l'autorité appelée à statuer.

Au terme de ce délai, son silence vaut avis défavorable.

► L'autorité décisionnaire

L'autorité ayant compétence pour délivrer une autorisation est:

  • le président du Tribunal des conflits, pour sa juridiction
  • le vice-président du Conseil d'Etat, pour sa juridiction
  • le premier président de la Cour de cassation, pour sa juridiction
  • le premier président de la Cour des comptes, pour sa juridiction,
  • le président de la juridiction pour les juridictions administratives (cour administrative d'appel, tribunal administratif, chambre régionale des comptes, cour nationale du droit d'asile etc)
  • le président de la juridiction pour les juridictions comprenant un magistrat du siège membre de la Cour de cassation (par exemple, la commission nationale de réparation des détentions)
  • le premier président de la cour d'appel pour les cours d'appel et les juridictions de l'ordre judiciaire de leur ressort.

Pour les audiences judiciaires, l'autorité de délivrance doit solliciter l'avis préalable du ministère public. Le premier président peut également solliciter l'avis des chefs de la juridiction concernée par la demande d'enregistrement.

► Le délai de délivrance

L'autorité appelée à statuer sur la demande d'autorisation se prononce dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa réception par le ministre de la Justice.

Elle notifie sa décision sans délai au demandeur, par courrier recommandé avec accusé de réception.

Elle en adresse copie au ministre de la Justice et, le cas échéant, au président de la juridiction concernée.

Au terme du délai de quarante-cinq jours, son silence vaut décision de rejet.

► L'autorisation

L'autorisation peut être accompagnée de prescriptions relatives aux conditions techniques d'enregistrement et de diffusion, visant à garantir le bon déroulement de la procédure et des débats, le respect du libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, dont la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client,la sécurité, le respect de la vie privée des personnes enregistrées, et le respect de la présomption d'innocence.

► Le refus d'autorisation

Le décret du 31 mars 2022 ne prévoit pas que le refus d'autorisation doive être nécessairement motivé.

La décision refusant l'enregistrement peut faire l'objet d'un recours dans les huit jours de sa notification ou de la date à laquelle est née la décision implicite de rejet.
Ce recours, qui n'a pas d'effet suspensif, est porté :
- devant le Tribunal des conflits, lorsque la décision a été rendue par le président de cette juridiction ;
- devant le Conseil d'Etat, lorsque la décision a été rendue par le vice-président du Conseil d'Etat ou par le président d'une juridiction de l'ordre administratif ;
- devant la Cour de cassation, lorsque la décision a été rendue par le premier président de la Cour de cassation, par le président des juridictions comprenant un magistrat du siège membre de la Cour de cassation ou le premier président d'une cour d'appel.

Le recours est formé, instruit et jugé selon les règles applicables devant la juridiction appelée à statuer. Devant la Cour de cassation, il est fait par simple déclaration au greffe de cette cour.

L'enregistrement

► L'accord des parties pour l'enregistrement

En principe, l'enregistrement n'est pas subordonné à l'accord préalable des parties au litige.

Néanmoins, des exceptions sont prévues et l'accord préalable et écrit est nécessaire:

  • lorsque l'audience n'est pas publique,
  • pour les audiences intervenant au cours d'une enquête ou d'une instruction, et pour les auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d'instruction,
  • lorsqu'un majeur bénéficiant d'une mesure de protection juridique est partie à l'audience, qu'elle soit publique ou non, (l'accord est délivré par le majeur apte à exprimer sa volonté ou, à défaut, de la personne chargée de la mesure de protection juridique; si le majeur protégé est apte à exprimer sa volonté mais inapte à la transcrire, il eut, à cette fin, bénéficier de l'assistance de la personne chargée de sa protection).
  • Lorsqu'un mineur est partie à l'audience (l'accord est délivré par le mineur capable de discernement et par ses représentants légaux ou, le cas échéant, l'administrateur ad hoc désigné).

L'accord des représentants des parties, notamment les avocats, et des personnels des services judiciaires, notamment les magistrats et greffiers, n'est jamais nécessaire.

Dans tous les cas où un accord préalable à l'enregistrement est requis, son recueil incombe au bénéficiaire de l'autorisation d'enregistrement, qui en justifie auprès du président de l'audience avant le début de l'enregistrement.

L'accord est recueilli au moyen d'un formulaire établi conformément à un modèle fixé par l'arrêté du 31 mars 2022 (formulaire d'accord à l'enregistrement des audiences non publiques ou formulaire d'accord concernant l'enregistrement concernant un majeur protégé ou un mineur)

L'accord d'enregistrement ne peut faire l'objet d'aucune contrepartie.

► Les modalités d'enregistrement

Une discrétion particulière est requise en ce qui concerne l'installation et le fonctionnement des appareils d'enregistrement.
Les enregistrements sont réalisés à partir de points fixes.

Le nombre de personnes autorisées à procéder à l'enregistrement et la disposition des appareils d'enregistrement à l'intérieur de la salle d'audience sont fixés en accord avec les chefs de juridiction ou leurs représentants.

Le bénéficiaire de l'autorisation d'enregistrement veille à ce que les conditions de l'enregistrement ne portent atteinte ni au bon déroulement de la procédure ni  à la dignité et la sérénité des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, dont la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client. Le magistrat chargé de la police de l'audience peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l'enregistrement.

L'enregistrement est interrompu en cas de suspension d'audience ou sur décision du magistrat chargé de la police de l'audience.Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.

La diffusion

► L'accord des parties pour la diffusion

. Toutes les personnes enregistrées, y compris les représentants des parties et les personnels des services judiciaires, doivent donner leur consentement à la diffusion de l'image et des éléments d'identification. A défaut, le diffuseur est tenu à une obligation d'occultation de l'image, de la voix, du nom et des éléments relatifs à l'état civil.

L'image et les autres éléments d'identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d'une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés.

. Le recueil du consentement des personnes enregistrées  incombe au bénéficiaire de l'autorisation d'enregistrement.
Ce consentement est distinct de l'accord préalable à l'enregistrement et est recueilli au moyen du formulaire prévu.

. Les personnes enregistrées disposent d'un délai de 15 jours pour rétracter leur consentement à la diffusion de leur image et des autres éléments permettant leur identification.

Ce délai commence à courir au lendemain du dernier jour de la dernière audience enregistrée (qui peut être l'audience au cours de laquelle la décision est prononcée lorsque l'affaire est mise en délibéré).

La rétractation du consentement est adressée au bénéficiaire de l'autorisation et se fait par tout moyen conférant date certaine à la réception. Elle peut être effectuée au moyen du formulaire prévu (volet 2 rétractation du consentement).

L'accord de diffusion ne peut faire l'objet d'aucune contrepartie.

► Le moment de la diffusion

La diffusion, intégrale ou partielle, de l'enregistrement n'est possible qu'après que l'affaire a été définitivement jugée.

En cas de révision d'un procès en application de l'article 622 du code de procédure pénale, la diffusion de l'enregistrement peut être suspendue.

► Les conditions de la diffusion

. A l'expiration d'un délai de cinq ans après la première diffusion de l'enregistrement, ou de dix ans après l'autorisation d'enregistrement, l'obligation d'occultation est étendue à toute personne enregistrée.

. L'occultation implique que l'image et tout élément permettant l'identification directe ou indirecte des personnes enregistrées soient dissimulés, notamment que les éléments relatifs à l'état civil soient modifiés ou masqués, les visages et les silhouettes floutés et les voix déformées.

. La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d'innocence.

. Cette diffusion est accompagnée d'éléments de description de l'audience et d'explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.

► La diffusion des audiences publiques devant le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation sur décision de ces juridictions

Le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation (après avis du procureur général) peuvent décider de diffuser un enregistrement d'une audience publique le jour même de son enregistrement.

Cette décision peut fixer une durée pendant laquelle l'enregistrement de l'audience demeure accessible sur le site internet de la juridiction.

L'avis des parties est recueilli par tout moyen avant le début de l'audience.

Le président de la formation de jugement peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l'enregistrement.

Le consentement à la diffusion de l'image et des éléments d'identification des personnes enregistrées est recueilli avant le début de l'audience, au moyen du formulaire prévu. La rétractation de ce consentement peut être exercée à tout moment jusqu'au début de la diffusion et, si l'enregistrement demeure accessible sur le site internet de la juridiction, jusqu'à la date de son retrait.
Les images et les éléments d'identification des personnes enregistrées qui n'ont pas consenti à leur diffusion sont occultés.

► Les séquences non diffusées

Les séquences enregistrées non retenues lors du montage effectué en vue de leur diffusion doivent être détruites.

Leur conservation ou réutilisation est interdite.

Les sanctions

Le fait de diffuser un enregistrement réalisé en application du des dispositions de l'article 1er I. de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 sans respecter les conditions de diffusion est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions.