Les alternatives aux poursuites
Avant de mettre en oeuvre l’action publique, le procureur de la République peut choisir de recourir à une des mesures alternatives aux poursuites prévues par les articles 41-1 à 41-3-1 A du code de procédure pénale.
Les mesures alternatives de l’article 41-1 du code de procédure pénale
►Les conditions
Elles peuvent concerner les mineurs comme les majeurs.
Elles doivent permettre:
– d’assurer la réparation du dommage causé à la victime,
– ou de mettre fin au trouble résultant de l’infraction,
– ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits.
Ces mesures suspendent les délais de prescription.
► Les différentes mesures
- la médiation pénale: il s’agit d’une médiation entre l’auteur des faits et la victime. L’accord des parties est indispensable. Si la médiation réussit, un procès-verbal est signé par le procureur ou son délégué et par les parties, et une copie leur est remise. Si l’auteur des faits s’est engagé à verser des dommages et intérêts à la victime, cette dernière peut recourir à la procédure d’injonction de payer si les montants ne sont pas réglés spontanément.
- le rappel à la loi: il s’agit d’un rappel à l’auteur des obligations résultant de la loi.
- l’orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle: l’auteur des faits peut être invité à suivre, à ses frais, une formation ou un stage ( stage de citoyenneté, stage de sensibilisation à la sécurité routière, stage de responsabilité parentale)
- la régularisation de la situation au regard de la loi ou des règlements
- la réparation du dommage
- l’éloignement de l’auteur: en cas d’infraction commise contre son (ex) conjoint ou (ex) concubin ou ses enfants ou les enfants de son conjoint ou concubin, le procureur de la République peut demander à l’auteur des faits de quitter le domicile conjugal et s’abstenir de paraître à ses abords voire de faire l’objet d’une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique.
- la demande à l'auteur des faits de ne pas paraître, pour une durée maximale de six mois, dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime.
►La mise en oeuvre des mesures
Le procureur de la République peut mettre en oeuvre ces mesures lui-même ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué ou d’un médiateur.
Les délégués et médiateur du procureur sont des personnes qui présentent des garanties de compétence, d’indépendance et d’impartialité (articles R15-33-30 à R15-33-37 du code de procédure pénale) et sont tenus à l’obligation du secret dans les conditions de l’article 226-13 du code pénal.
L’issue des mesures
En cas de réussite d’une médiation pénale, le procureur de la République ou son délégué/médiateur en dresse procès-verbal, qui est signé par lui-même et par les parties, et dont une copie leur est remise. Si l’auteur des faits s’est engagé à verser des dommages et intérêts, la victime peut les recouvrer par la voie de l’injonction de payer à défaut de paiement spontané.
Quelle que soit la mesure alternative choisie, son exécution engendre un classement sans suite.
La mesure alternative n’est pas inscrite au bulletin n°1 du casier judiciaire.
En cas d’échec de la mesure en raison du comportement de l’auteur des faits, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites.
La convention d’intérêt public de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale
►Les personnes concernées
La convention d’intérêt public ne concerne que les personnes morales (sociétés, associations etc).
►Les infractions concernées
Tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, le procureur de la République peut proposer à une personne morale de conclure une convention judiciaire d’intérêt public pour certains délits énumérés à l’article 41-1-2 de corruption et trafic d’influence (articles 433-1 et 433-2, 435-3, 435-4,435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-1, à l’avant-dernier alinéa de l’article 434-9 et au deuxième alinéa de l’article 434-9-1 du code pénal), et pour les infractions de soustraction au paiement de l’impôt, organisation d’insolvabilité etc et leur blanchiment (infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts et infractions connexes).
►Le contenu de la convention
La convention peut imposer une ou plusieurs des obligations suivantes :
– verser une amende d’intérêt public au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, sur une période qui ne peut être supérieure à un an et qui est précisée par la convention
-se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l’Agence française anticorruption, à un programme de mise en conformité destiné à s’assurer de l’existence et de la mise en œuvre en son sein des mesures et procédures énumérées au II de l’article 131-39-2 du code pénal (code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence, mise en place d’un dispositif d’alerte interne, de procédures d’évaluation de la situation des clients etc)
Lorsque la victime est identifiée, et sauf si la personne morale mise en cause justifie de la réparation de son préjudice, la convention prévoit également le montant et les modalités de la réparation des dommages causés par l’infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à un an.
►La validation et l’exécution de la convention
Après accord de la personne morale à la proposition de convention, le procureur de la République saisit par requête le président du tribunal de grande instance aux fins de validation.
La personne morale mise en cause et de la victime assistées, le cas échéant, de leur avocat, sont entendues en audience publique.
A l’issue de cette audition, le président du tribunal peut valider ou non la proposition de convention: il vérifie le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l’amende aux limites prévues et la proportionnalité des mesures prévues aux avantages tirés des manquements.
La décision du président du tribunal n’est pas susceptible de recours.
Si le président du tribunal (ou tout juge délégué par lui) rend une ordonnance de validation, la personne morale mise en cause dispose, à compter du jour de la validation, d’un délai de dix jours pour exercer son droit de rétractation. La rétractation est notifiée au procureur de la République par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si la personne morale mise en cause n’exerce pas ce droit de rétractation, les obligations que la convention comporte sont mises à exécution.
La convention judiciaire d’intérêt public n’est pas inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire. Elle fait l’objet d’un communiqué de presse du procureur de la République. L’ordonnance de validation, le montant de l’amende d’intérêt public et la convention sont publiés sur le site internet de l’Agence française anticorruption.
►L’exécution des obligations prévues par la convention éteint l’action publique
Si la personne morale ne règle pas spontanément les dommages-intérêts qu’elle s’est engagée à lui verser, la victime peut en demander le recouvrement suivant la procédure d’injonction de payer.
Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de convention, ou si la personne morale exerce son droit de rétractation ou si elle ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations dans le délai prévu par la convention, le procureur de la République met en mouvement l’action publique, sauf élément nouveau (La prescription de l’action publique est suspendue durant l’exécution de la convention).
Si le président du tribunal ne valide pas la proposition de convention ou si la personne morale exerce son droit de rétractation, le procureur de la République ne peut faire état devant la juridiction d’instruction ou de jugement des déclarations faites ou des documents remis par la personne morale au cours de la présente procédure .
Si la personne morale ne justifie pas de l’exécution intégrale des obligations prévues, le procureur de la République lui notifie l’interruption de l’exécution de la convention et l’amende d’intérêt public versée au Trésor public est reversée à la personne morale.
La composition pénale des articles 41-2 , 41-3 et 41-3-1 A du code de procédure pénale
Contrairement aux mesures alternatives de l’article 41-1 du code de procédure pénale, les mesures de composition pénale font l’objet d’une inscription au bulletin n°1 du casier judiciaire (mais pas au bulletin n°2 – cf article 775 14° du code de procédure pénale).
Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l’exécution de la composition pénale sont interruptifs de la prescription de l’action publique.
►Les conditions de mise en oeuvre
La composition pénale nécessite une reconnaissance par l’intéressé de sa culpabilité.
Elle peut concerner les majeurs et les mineurs de plus de treize ans (en cas d’accord du mineur, de ses représentants légaux et en présence obligatoire d’un avocat). Elles peuvent aussi concerner les personnes morales en ce qu'elles prévoient une amende de composition et l'indemnisation de la victime (article 41-3-1 A du code de procédure pénale).
Elle peut concerner les délits punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, et les contraventions sauf:
– délits de presse
– délits d’homicides involontaires
– délits politiques.
1° Verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette amende, qui ne peut excéder le montant maximum de l'amende encourue, est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an
2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit
3° Remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d'immobilisation
4° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire, pour une période maximale de six mois
4° bis Suivre un programme de réhabilitation et de sensibilisation comportant l'installation à ses frais d'un éthylotest anti-démarreur sur son véhicule, pour une période minimale de six mois et maximale de trois ans
5° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de chasser, pour une période maximale de six mois
6° Accomplir au profit de la collectivité, notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées, un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois
7° Suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois
8° Ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement
9° Ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux désignés par le procureur de la République et dans lesquels l'infraction a été commise ou dans lesquels réside la victime
10° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l'infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles
11° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux
12° Ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois
13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté
14° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 14° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. Pour l'application du présent 14°, le procureur de la République recueille ou fait recueillir, dans les meilleurs délais et par tous moyens, l'avis de la victime sur l'opportunité de demander à l'auteur des faits de résider hors du logement du couple. Sauf circonstances particulières, cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d'être renouvelés et que la victime la sollicite. Le procureur de la République peut préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement pendant une durée qu'il fixe et qui ne peut excéder six mois ;
15° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants
16° Se soumettre à une mesure d'activité de jour consistant en la mise en oeuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure
17° Se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique, selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu'il apparaît que l'intéressé fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. La durée de la mesure est de vingt-quatre mois au plus
17° bis Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels
18° Accomplir à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes
19° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes.
– l’accomplissement d’un stage de formation civique
– le suivi régulier d’une scolarité ou d’une formation professionnelle
– le respect d’une décision de placement prononcée antérieurement
– la consultation d’un psychiatre ou d’un psychologue
– l’exécution d’une mesure d’activité de jour
Les procès verbaux de proposition et l’intégralité de la procédure d’enquête sont joints à la requête.
Le procureur est informé de ces auditions et y assiste, s’il le souhaite.
- lorsque la procédure de proposition de composition a été respectée
- lorsqu'il estime les mesures proposées justifiées au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.