4.07.2019 - RG 19/08038 - Compétence / Jurisdiction

4 July 2019 - RG 19/08038
19/09/2019 - mise à jour : 14/04/2020

4 juillet 2019, CCIP-CA RG n° 19/08038 – Appel compétence - clause attributive de juridiction

Dans cette affaire opposant une société de droit français à une société de droit anglais, la CCIP-CA a été saisie des questions de l'applicabilité et de la validité d'une clause attributive de juridiction stipulée dans un accord de distribution aux actions fondées d'une part sur la rupture brutale des relations commerciales établies (article L.442-6 I du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019) et d'autre part sur l'abus de position dominante (article L. 420-1 du code de commerce).


Sur la question de l'applicabilité, la CCIP-CA juge que " l'action en réparation des préjudices subis du fait de la prétendue rupture brutale des relations commerciales établies est un différend né de la relation des parties et à ce titre, se rattache à la matière contractuelle et que ce faisant les demandes fondées sur les articles L. 442-6, I , 5° du code de commerce relèvent donc de la clause attributive de juridiction", par référence à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 mai 2015 (CJUE C-352/13 Hydrogen Peroxide SA c. Akzo nobel NV) selon laquelle (§68) la portée d’une clause attributive de juridiction est limitée aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue (§§ 27 et 29).

La CCIP-CA a considéré en outre que que la demande fondée sur l'abus de position dominante relevait également de la clause attributive de juridiction, par référence à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 24 octobre 2018 (CJUE  C-595/17  –  affaire  Apple  Sales  International  c.  MJA) selon laquelle (§30) l'application d'une clause attributive de juridiction contenue dans un contrat liant les parties n'est pas exclue à l'égard d'une action en dommages et intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement des articles L. 420-1 du code de commerce et 102 TFUE au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence.

La CCIP-CA juge ainsi qu'en l'espèce, d'une part "l'action tendant à voir caractérisé l'abus de position dominante (…) se matérialise dans la relation contractuelle (…)"  et d'autre part que "la clause litigieuse est suffisamment précise pour englober les actions en réparation de comportements anticoncurrentiels" en visant expressément les litiges qui « soient de nature contractuelle ou non, telle que des réclamations en responsabilité civile délictuelle pour violation d'une loi, d'un règlement ou autre » (§§ 30 à 33).Ayant considéré qu'en application de l'article 25.1 du règlement n°1215/2012 selon lequel la compétence de la juridiction d'un État membre désignée par la clause attributive de compétence s'impose sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre, il lui appartenait d'apprécier la validité, quant au fond, de la clause attributive de juridiction au regard du droit anglais, la CCIP-CA s'est prononcée sur la validité de cette clause en application du droit anglais de la contrainte économique (« economic duress ») (§§36 à 48) et  de l'influence indue (« undue influence ») (§§40 à 60).

Elle a considéré que la société de droit français ne rapportait pas, selon le droit anglais, la preuve d'une contrainte économique qui ne lui aurait laissé d'autre choix que d'accepter la clause attributive de juridiction. Ainsi décide-t-elle qu'aucune circonstance factuelle ne permet de corroborer l'existence d'une pression et que rien ne permet d'établir que la société de droit français n'avait d'autres options que d'accepter cette clause. De même juge-t-elle que le moyen tiré de la nullité de la clause attributive de juridiction sur le fondement de l'influence indue n'est pas caractérisé, "le seul fait de soumettre cet accord au droit anglais et aux tribunaux anglais alors même qu'il n'est pas contesté que les échanges antérieurs étaient menés en langue anglaise et qu'il porte sur l'achat d'un produit fabriqué par une société anglaise, ne saurait être en soi inexplicable et en tout état de cause caractériser en soi un avantage excessif au profit de la société de droit anglais" et que la société de droit français ne rapporte pas la preuve de protestation  permettant  de  caractériser  l'existence  d'une pression.

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English Version

 

July 4, 2019, ICCP-CA RG n° 19/08038 – Dispute on jurisdiction - jurisdiction clause

In this case between a company incorporated under French law and a company incorporated under English law, the issues of the applicability and validity of a jurisdiction clause of a distribution agreement to actions based, on the one hand, part on the abrupt termination of established commercial relationships (Article L.442-6 I of the Commercial Code in its version prior to the Ordinance of 24 April 2019) and, on the other hand, on the abuse of a dominant position (Article L. 420-1 of the Commercial Code), were raised before  the ICCP-CA.


On the issue of applicability, the ICCP-CA held that "the action for damages suffered as a result of the alleged abrupt termination of established commercial relationships is a dispute arising from the relationships of the parties and as such, is connected to contractual matters and that in so doing the claims based on Articles L. 442-6, I, 5 ° of the Commercial Code are therefore subject to the jurisdiction clause ", with reference to the decision of the Court of Justice of the European Union of 21 May 2015 (CJEU C-352/13 Hydrogen Peroxide SA v. Akzo nobel NV) ruling (§68) that the scope of a jurisdiction clause is limited to disputes which arise from the legal relationship in connection with which the agreement was entered into (§§ 27 and 29).


The ICCP-CA further held that the claim based on the abuse of a dominant position also falls within the jurisdiction clause, by reference to the decision of the Court of Justice of the European Union of 24 October 2018 (CJEU C-595/17 - Apple Sales International v. MJA) ruling (§30) that the application of a jurisdiction clause within a contract binding the parties is not excluded in the context of an action for damages brought by a distributor against a supplier on the basis of Articles L. 420-1 of the Commercial Code and 102 TFEU on the sole ground that that clause does not expressly refer to disputes relating to  liability incurred as a result of an infringement of competition law. The ICCP-CA thus held that in this case, on the one hand, "the action tending to characterize the abuse of a dominant position (...) is materialized in the contractual relationship (...)" and on the other hand that "the disputed clause is sufficiently precise to include actions for the remedies of anti-competitive conduct" by expressly referring to disputes which "are of a contractual nature or not, such as tort claims for violation of a law, a regulation or other "(§§ 30 to 33).


Having held that, pursuant to Article 25 (1) of Regulation No 1215/2012 according to which the jurisdiction of the court of a Member State designated by the jurisdiction clause applies unless the validity of the jurisdiction clause is vitiated in substance under the law of that Member State, it was for it to assess the validity in substance of the jurisdiction clause under English law, the ICCP-CA ruled on the validity of this clause in application of the English law of economic duress (§§36 to 48) and of undue influence (§§40 to 60). It held that the company registered under French law did not prove, according to the English law, an economic duress which would have left it with no choice but to accept the jurisdiction clause. Thus, it ruled that no factual circumstance can corroborate the existence of pressure and that there is nothing to establish that the company registered under French law did not have other options than to accept that clause. Similarly, does it ruled against the plea of ​​nullity of the jurisdiction clause on the basis of undue influence on the ground that "the mere fact of submitting the agreement to English law and to the jurisdiction of English courts when it is not disputed that the past exchanges were conducted in the English language and that it relates to the purchase of a product manufactured by an English company, can not in itself be inexplicable and in any event characterize in itself an excessive advantage to the company registered under English law "and that the company registered under French law does not prove any protest to characterize the existence of pressure.