26.01.21 CCIP-CA - RG 19/10666 - Arbitrage international / International arbitration
26 janvier 2021 - CCIP-CA - RG 19/10666– Arbitrage international – Irrégularité de constitution du tribunal arbitral - Principe de l'égalité des parties au litige – Indépendance des arbitres – portée de la renonciation de l'article 1466 du code de procédure civile
Dans cette affaire, la CCIP-CA était saisie d'un moyen unique d'annulation d'une sentence tiré de la constitution irrégulière du tribunal arbitral. Il était reproché d'une part, le non respect par la cour d'arbitrage des règles applicables à la constitution du tribunal arbitral et d'autre part le défaut d'indépendance de deux des cinq arbitres.
Sur les premier point, la CCIP-CA rejette chacun des griefs après avoir constaté notamment qu'un différend opposait les parties quant aux modalités de constitution du tribunal arbitral, et qu'il « incombait donc bien à la CCI, en tant que centre chargé d'organiser l'arbitrage, compte tenu de l'opposition des parties, d'organiser les modalités de désignation des arbitres conformément à son Règlement, et ce dans des conditions telles qu'elles permettait de satisfaire au principe d'ordre public de l'égalité des parties dans la désignation des arbitres, qui suppose la possibilité pour chaque partie de pouvoir participer de manière égale à la constitution d'un tribunal arbitral » (§ 63). La CCIP-CA a considéré à cet égard que le principe de l'égalité des parties devait s'apprécier différemment au jour de la conclusion de la clause compromissoire et au jour du litige, ce principe devant alors s'apprécier « au regard des prétentions et des intérêts de chacune des parties au litige » (§64).
Saisi d'un moyen tiré de l'irrecevabilité de l'un des griefs, sur le fondement de l'article 1466, la CCIP-CA a rappelé que « la renonciation présumée par l’article 1466 précité du code de procédure civile vise des griefs précisément et concrètement articulés et non des catégories de moyens » (§72) cantonnant l'exclusion de cette règle au seul moyen tiré de la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral, pour lequel les parties ne sont pas privées du droit d'invoquer sur cette question, devant le juge de l'annulation, de nouveaux moyens et arguments relatifs à la compétence et à faire état, à cet effet, de nouveaux éléments de preuve (§73 et 74).
S'agissant des griefs tiré du défaut d'indépendance de deux des cinq arbitres, la CCIP-CA a en premier lieu considéré que la fin de non recevoir tirée de l'article 1466 du code de procédure civile ne pouvait être opposée au recourant dès lors que la dispense tirée de la notoriété des faits n'était pas opérante lorsque les faits allégués sont survenus au cours de l'instance arbitrale (§111 et 112).
Pour considérer que les faits de l'espèce ne justifiaient pas un complément de déclaration des arbitres, la CCIP-CA s'est appuyée sur les recommandations de la CCI qui caractérisent des « causes réputées objectives » et a ensuite apprécié si les arbitres étaient tenus de déclarer ces circonstances « qui, bien que non visées dans cette liste, peuvent être de nature à créer, dans l’esprit des parties, un doute raisonnable sur son indépendance, c'est à dire un doute qui peut naître chez une personne placée dans la même situation et ayant accès aux mêmes éléments d'information raisonnablement accessibles » (§118). A cet égard, la CCIP-CA indique que le doute raisonnable « doit résulter d’un potentiel conflit d’intérêts dans la personne de l'arbitre, qui peut être soit direct parce qu'il concerne un lien avec une partie, soit indirect parce qu'il vise un lien d'un arbitre avec un tiers intéressé à l'arbitrage. A cet égard, lorsque le potentiel conflit d'intérêts est seulement indirect, l'appréciation du doute raisonnable dépendra notamment de l'intensité et la proximité du lien entre l'arbitre, le tiers intéressé et l'une des parties à l'arbitrage » (§ 119).
English version
26 January 2021 - ICCP-CA - RG 19/10666 - International arbitration - Irregular constitution of the arbitral tribunal - Principle of equality of the parties in the dispute - Independence of the arbitrators - Scope of the waiver of article 1466 of the Code of Civil Procedure
In this case, the ICCP-CA was requested to set aside an award on the grounds that the arbitral tribunal was irregularly constituted. It was alleged, on the one hand, that the court of arbitration had failed to comply with the rules applicable to the constitution of the arbitral tribunal and on the other hand, that two arbitrators out of five were not independent.
The ICCP-CA rejected the first plea and noted that given the dispute between the parties was related to the method of the constitution of the tribunal, it was therefore "incumbent upon the ICC, as the institution designated to administer the arbitration, to organize the appointment of the arbitrators according to its Rules of Procedure, in a way that satisfies the public policy principle of equality of the parties in appointing arbitrators, which implies that each party may participate equally in the constitution of an arbitral tribunal" (§ 63). In this respect, the ICCP-CA held that the principle of equality of the parties shall be assessed differently on the day of the conclusion of the arbitration clause and on the day of the dispute. In the latter case, the principle has to be assessed "in the light of the parties’ respective claims and interests" (§64).
On the plea of inadmissibility of one of the claims on the basis of article 1466, the ICCP-CA stressed that "the waiver contemplated in article 1466 of the Code of Civil Procedure concerns precisely and concretely articulated claims and not categories of claims" (§72), limiting therefore the exclusion of this rule to the sole plea based on the jurisdiction or the lack of jurisdiction of the arbitral tribunal, for which the parties are not deprived of the right to invoke new pleas and arguments before the annulment judge, and to submit new evidence to this end (§73 and 74).
Concerning the pleas based on the lack of independence of two arbitrators out of the five, the ICCP-CA firstly held that the waiver provided for in article 1466 of the Code of Civil Procedure could not be invoked against the applicant, since the exemption based on the notoriety of the facts was not effective when the alleged facts occurred during the arbitral proceedings (§111 and 112).
The ICCP-CA considered that the facts of the case at hand did not justify a further declaration by the arbitrators. It founded this decision on the ICC’s recommendations which list the reasons considered as objective. Then, it assessed whether the arbitrators were obliged to declare the circumstances « which, although were not included in this list, may still create, in the parties’ minds, a reasonable doubt as to its independence; that is to say, a doubt which a person in the same position and having access to the same reasonably available information may have" (§118). In this respect, the ICCP-CA states that reasonable doubt "should arise from a potential conflict of interest of the arbitrator, which may be either direct (because it relates to a relationship with a party), or indirect (because it relates to a relationship of an arbitrator with a third party which has an interest in the arbitration). In this respect, when the potential conflict of interest is indirect, the assessment of reasonable doubt will depend namely on the intensity and proximity of the relationship between the arbitrator, the interested third party and one of the parties to the arbitration" (§ 119).