Compte-rendu du colloque sur l’amélioration et la simplification des procédures après les « Chantiers de la justice »

19 juin 2018
18/10/2018 - mise à jour : 18/10/2018
Colloque du 19 juin 2018
Colloque du 19 juin 2018

INTRODUCTION

Martine Roy-Zenati, 1ère présidente de chambre à la cour et Olivier Auféril, avocat général, ont souligné l'intérêt tout particulier que la cour d’appel de Paris porte au partenariat avec l'université Paris Sud Jean Monnet conclu il y a 4 ans qui se traduit par l'accueil chaque année d’étudiants stagiaires au sein de la cour et par l’organisation d’une conférence annuelle en première chambre de la cour d’appel sur des thèmes variés tels que les fonctions de l'appel, la place de l'oralité dans le débat judiciaire, les équilibres entre secrets et procès.

Haritini Matsopoulou et Yves-Marie Serinet, professeurs à l’université Paris Sud, ont remercié la cour pour ce partenariat permettant que 13 étudiants sur une promotion de 25 étudiants soient en stage à la cour. Ils se sont félicités que ces conférences permettent de croiser les réflexions des professeurs et magistrats judiciaires et ont appelé de leur vœux la poursuite et l’approfondissement de ce partenariat particulièrement riche.

Première table ronde : Une redistribution des rôles ? 

La table ronde s’est d’abord concentrée sur la redéfinition des rôles des principaux acteurs de l’enquête pénale.

Le professeur Haritini Matsopoulou a invité à réfléchir à une nouvelle répartition des rôles entre le siège et le parquet pendant l’instruction. Rappelant que toutes les précédentes réformes ont renforcé le rôle du parquet, elle s’est interrogée sur l’opportunité de la création d’un juge de l’enquête, chargé de son suivi, tout en préservant le monopole du parquet dans l’engagement des poursuites. Elle a également souligné l’importance de renforcer les droits de la défense, notamment l’accès aux pièces fondant la mesure de privation de liberté.

Jean-Christophe Muller, avocat général, reprenant les dispositions du projet de loi de modernisation de la justice, dont il a précisé qu’il serait certainement susceptible de nouvelles évolutions, a présenté en quoi il élargissait le champ d’application de mesures déjà existantes : géolocalisation, captation, augmentation de la durée de l’enquête de flagrance…).

Dans une seconde partie, la table ronde a présenté ses réflexions sur la redéfinition des droits et des acteurs du procès civil.

Caroline Pelletier, professeur à l’Université de Cergy-Pontoise, et Martine Roy-Zenati, première présidente de chambre à la cour d’appel, ont croisé leurs regards et débattu sur les implications qu’auraient entrainé le principe de représentation obligatoire pour tous les litiges supérieurs à 5000€ ; elles ont également échangé sur l’exigence de la loyauté procédurale qui imposera aux parties de produire les moyens de preuve de leurs allégations, de la codification des jurisprudences Dauvin (élargissement de l’office du juge) et Césaréo (principe de concentration des moyens dès le premier procès). Enfin les intervenantes se sont interrogées sur l’application en pratique de la contribution des justiciables au financement de la justice civile ainsi que sur l’obligation pour le juge de motiver sa décision sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile avec le risque de développement d’un contentieux de masse accessoire au regard de l’office du juge.

 

 Seconde table ronde : une rationalisation du procès ?

Stéphane Détraz, maître de conférences à l’Université Paris-Sud, Jacques-Henri Robert, professeur émérite de l’Université Paris 2 Panthéon-Assas, et Philippe Coirre, président de chambre à la cour d'appel de Paris, ont traité de la simplification de la poursuite et du jugement pénal.

Ils ont notamment abordé la création expérimentale du tribunal correctionnel départemental qui viendrait concurrencer la cour d’assises. Ils ont questionné l’opportunité de la distinction de la première instance pour les crimes passibles d’une peine de moins de 20 ans (tribunal correctionnel département, sans jurés) et au-delà de 20 ans (cour d’assises traditionnelle), rappelant que le fait d’associer les citoyens à l’œuvre de justice permet de conserver un lien entre la justice et la nation. Ils ont souligné l’intérêt que présente l’appel au quantum de la peine en ce qu’il permettrait de ne pas revenir sur les faits et la culpabilité de la personne, d’ores et déjà établie, mais discuter uniquement de la peine. Enfin, les propositions des présidents d’assises dans le cadre des Chantiers de la justice ont été rappelées (création d’un statut permanent de président d’assises, simplification des règles d’assermentation des jurés, pouvoir discrétionnaire du président d’assises avant l’ouverture de la session).

Gabrielle Mecarelli, maître de conférences (Paris-Sud), Annie Dabosville, première présidente de chambre à la cour d’appel de Paris, ont clôturé cette journée en relevant les innovations proposées par le projet de loi tendant à la simplification et l’efficacité de la procédure civile.

Il fut notamment question du développement de la culture des modes amiables de règlements des différends (MARD), le projet de loi créant un préalable obligatoire en lieu et place de l’incitation actuelle à la médiation, ou encore de la proposition du rapport Agostini-Molfessis tendant à rassembler les décisions de mesures d’exécution sur une seule juridiction. Enfin, les intervenantes ont fait part de leurs interrogations sur le développement des « legaltechs » notamment, sur la question de la neutralité de l’algorithme et sur le degré de contrôle de leurs activités par le ministère de la justice.