Compte-rendu du colloque « Repenser la voie d'appel »
Mots d'accueil
Introduction générale
Première table ronde : Repenser la conception du recours
Deuxième table ronde : Repenser l'articulation des recours
Troisième table ronde : Repenser la procédure sur recours
Quatrième table ronde : Repenser l'administration du recours
Propos conclusifs
Mots d'accueil
Chantal Arens, première présidente de la cour d'appel de Paris a accueilli près de 300 personnes magistrats, avocats, universitaires, juristes et étudiants, tous particulièrement attentifs aux débats intervenus tout au long de la journée dans la première chambre de la cour d'appel. Ce colloque était très attendu alors que la Chancellerie travaille à un projet de réforme de la procédure d'appel.
Introduction générale
Soraya AMRANI MEKKI
professeur de droit à l’Université Paris Ouest Nanterre La défense,
directrice de l’axe justice et procès du CDPC
Après une journée d'interventions particulièrement riches et des débats passionnants, il revenait à la première présidente de faire une synthèse des échanges et des idées qui avaient émergé au cours des quatre tables rondes ou, comme l'a proposé Madame le professeur Amrani-Mekki dans ses propos introductifs, d'évaluer la nécessité et les possibilités d'une réforme de l'appel pour finalement en apprécier l'opportunité.
Ces propos conclusifs reprennent l'essentiel des apports des tables rondes :
Ainsi que le débat a été ouvert, la première question qui s'est posée était : Pourquoi repenser l'appel ou, autrement formulé, faut-il repenser l'appel ? Ces questions en appelaient une autre immédiatement : Faut-il remettre en cause les principes consacrés par le code de procédure civile dans leur rédaction issue de la réforme de 1971 ? La question est certes polémique mais elle ne peut être résolue que de façon systémique et cela était le fil conducteur du propos développé ensuite.
Hervé Croze indiquait qu' « Il ne faut pas perdre de vue qu'un procédé ou une procédure n'est qu'un moyen au service d'une fin », laquelle doit donc être clairement identifiée. La première présidente a souligné que toute réforme nécessite une réflexion sur l'office du juge, dans sa nature et sa portée. Cette approche rejoignait les débats, au-delà de la conception de l'appel, sur l'articulation et sur l'administration du recours.
Chantal Arens a rappelé qu'il ne fallait pas perdre de vue le but de la procédure qui doit être de permettre un bon débat pour favoriser l'émergence d'une bonne décision.
Le constat partagé et rappelé à maintes reprises lors de la journée était celui de juridictions d'appel encombrées et par voie de conséquence d'une attente non satisfaite du justiciable d'une justice rendue avec célérité, sans omettre la qualité et la prévisibilité.
Un autre constat, émanant de la pratique était qu'il y a, de fait, autant d'appels sur de « bonnes » décisions que sur des décisions estimées « moins bonnes » et que c'est en réalité l'enjeu de l'affaire, qu'il soit économique ou de principe, qui justifiera pour une partie le fait de faire appel ou non.
Enfin, et c'était un constat, peut être finalement moins prégnant dans le quotidien des magistrats qu'au sein de la communauté des juristes, le débat reste vif sur la conception de l'appel et cela a été évoqué dans la première table ronde.
A partir de ces constats, de nombreuses pistes de réflexions ou propositions ont été abordées au fil des échanges.
Première table ronde : Repenser la conception du recours
Intervenants :
Xavier LAGARDE
professeur de droit à l’Université Paris Ouest Nanterre La défense
Claudine ROYER
conseillère à la cour d'appel de Paris
Emmanuel JULLIEN
avocat, président de l’association droit & procédure
Me Jullien a interpellé l'auditoire en ces termes : l'appel tend-il à une nouvelle décision ou à un nouveau procès?
La première présidente a proposé de repartir de constantes rappelées par Monsieur le professeur Lagarde :
- L'appel est une voie de recours ordinaire.
- Le droit d'appel n'est pas, en matière civile, un droit fondamental garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, tandis que le Conseil constitutionnel ne le considère pas comme un principe général pas plus que la Cour de justice de l'Union européenne.
Le Conseil d'Etat estime quant à lui qu'il peut être dérogé au principe du double degré de juridiction par voie réglementaire.
Or, l'appel semble à l'abri d'une suppression ou d'une amputation significative car il est et a toujours été considéré comme une garantie de bonne justice.
Pour autant la conception de l'appel ne cesse d'être remise en cause et la question soulevée par Me Jullien méritait d'être posée, en lien avec la réflexion sur l'administration du recours : les contraintes que connaissent les juridictions justifient-elles une réforme de la procédure d'appel ? Cette réforme serait-elle commandée par une sorte d' « état de nécessité » ?
De quoi parle-t-on ? En 2014, le taux d'appel en matière civile était d'un peu plus de 20 % et en matière sociale de plus de 60 %. On mesure ici que la réponse a apporté ne peut être univoque dès lors que les causes ne le sont pas.
Le juge d'appel semble confronté à des objectifs contradictoires : développer le double degré de juridiction et offrir à tout justiciable la possibilité de voir entièrement rejugé son litige en fait et en droit et statuer dans des délais raisonnables dans un contexte budgétaire très contraint avec un périmètre très étendu.
Pour répondre à cet « état de nécessité » faut-il revenir à la conception d'un appel voie de réformation, comme semble le proposer le projet de décret ?
Pour nombre de praticiens, l'immutabilité du litige est une vue de l'esprit. Pour Me Jullien, si le procès évolue en appel c'est parce que les situations changent, que le procès est vivant. Le rôle de la deuxième instance est différent de celui de la première instance. Les conseils ont pu changer, le litige est vu sous un angle différent.
Faut-il alors, ainsi que cela a été rappelé, considérer avec le doyen Guinchard que voie de réformation + Arrêt Césaréo = Déni de justice ?
Mme Royer a rappelé les conclusions de l'IHEJ ou encore comparé avec le système Anglais ou Allemand orienté vers la réformation. Si l'objet du débat semble mieux cadré, le rôle du juge est aussi plus limité.
Le risque que le législateur de 1971 avait voulu contourné, ainsi que l'a rappelé le professeur Lagarde, est bien d'un impact négatif sur la première instance avec l'introduction de nouvelles instances sur la base de nouvelles demandes. Il semble réaliste de permettre une certaine évolution du litige tant dans ses éléments subjectifs qu'objectifs puisque cela permet de vider l'ensemble d'un contentieux en évitant la fragmentation du litige en instance successives.
Le remède, voie de réformation, ne serait-il alors pas pire que le mal, voie d'achèvement ?
Chantal Arens a indiqué que cette opposition voie de réformation, voie d'achèvement était assez artificielle au regard de la pratique et que ce qui est en jeu, c'est plutôt l'articulation de l'appel avec la première instance et la cassation et que réformer l'appel sans vision globale de la procédure serait nécessairement illusoire voire inutile. Mme Royer s'est ainsi intérrogée : une réforme de la voie d'appel peut-elle se concevoir sans prendre en considération son impact sur l'ensemble de la procédure ?
Elle a justement souligné que la réforme de l'appel exige de réfléchir sur les objectifs à atteindre sans perdre de vue les principes et les droits qui sous-tendent l'appel, et notamment :
- le double degré de juridiction quand les décisions de première instance ne satisfont pas les parties tout en évitant de renouveler l'instance grâce à des décisions de première instance bien motivée à l'issue d'un procès où toute la matière litigieuse aura été dans le débat et où tout aura été loyalement et contradictoirement discuté.
Juger ce n'est pas choisir entre des mauvaises prétentions, des mauvais moyens.
Le juge d'appel ne peut être seulement un censeur a rappelé Monsieur le professeur Lagarde citant H. Motulsky.
Aussi, ce qui a été évoqué dans cette table ronde et relévé comme indispensable pour Chantal Arens, dans la conception de l'appel mais aussi dans la conception de la justice, c'est de renforcer les pouvoirs du juge et plus particulièrement, les pouvoirs du conseiller de la mise en état.
Deuxième table ronde : Repenser l’articulation des recours
Intervenants :
Cécile CHAINAIS
professeur de droit à l’université Panthéon-Assas Paris II,
directrice du Centre de recherche sur la justice et le règlement des conflits,
membre de l’Institut universitaire de France
Jean-Noël ACQUAVIVA
conseiller à la Cour de cassation
Jacques PELLERIN
avocat
La première présidente a rappelé que ce qui était apparu, en préparant ce colloque, comme une évidence était que la procédure d'appel ne pouvait se concevoir sans être remise dans son contexte, sa place dans l'architecture globale du procès civil, ou pour reprendre la métaphore anatomique proposée par Madame le professeur Cécile Chainais, dans le corps du procès, tant il est clair que les différents stades du procès sont interdépendants.
De même, les raisons de repenser cette articulation, comme l'ont souligné les intervenants de la table ronde, sont nombreuses et notamment économiques et qualitatives.
Le débat sur la conception de l'appel ressurgit précisément à l'occasion des questionnements sur le rôle de la Cour de cassation. Faut-il comme l'a évoqué Monsieur le président Acquaviva recentrer la Cour de cassation sur son activité normative, reprenant ainsi un débat déjà lancé par Guy Canivet, et prévoir un filtrage des pourvois ? Ce recentrage imposerait consécutivement une revalorisation de l'appel qui pourrait être assurée par une spécialisation accrue pour les contentieux techniques, particulièrement à la cour d'appel de Paris, et par le rétablissement du juge d'appel dans toute la dimension de son office (article 12 du CPC). Cette évolution suppose à son tour une maîtrise des flux laquelle est directement dépendante de la première instance. En effet, les débats en première instance doivent pouvoir embrasser pleinement tous les termes du litige et permettre que tous les points de droit y afférant soient pris en compte. Je tiens à souligner ici que le double degré de juridiction n'a de sens que si un véritable premier degré de juridiction s'est instauré.
Comme cela a été dit à maintes reprises une réforme technique de la voie d'appel ne peut s'envisager sans une réflexion sur le rôle attendu respectivement de l'appel, de la cassation et de la première instance. Faut-il alors concevoir cette réforme en commencant par la première instance ou par la Cour de cassation ?
Pour la première instance, faut-il revoir l'effet suspensif ? Le rapport Coulon préconisait en 1997 de généraliser l'exécution de plein droit en première instance. Le principe serait l'exécution de plein droit et l'exception tirée de la nature de la décision. Madame le professeur Chainais considère qu'il s'agit d'un serpent de mer qu'il serait prudent de ne pas voir ressortir.
On a pu aussi s'interroger sur l'impact du développement du juge unique au préjudice de la collégialité et évoquer, sans la développer car le sujet a été longuement débattu dans d'autres instances, la question des juges non professionnels en première instance. Je dirai seulement ici qu'au regard du taux d'appel en matière prud'homale et de l'encombrement généralisé des chambres sociales de toutes les cours de France, la réflexion mériterait de se poursuivre même si des réformes récentes sont déjà intervenues.
La première présidente a indiqué qu'elle considère pour tous les contentieux qu'il faut, sans que cela porte nécessairement sur des questions de moyens, faire porter la réflexion et les propositions d'actions sur la qualité. Cela passe pour elle par des évolutions sur l'office du juge. Elle avait déjà eu l'occasion d'en parler dans d'autres colloques et autres discours mais il faut pour elle travailler sur la méthode de rédaction des décisions et en miroir des écritures ; sur l'organisation du travail en lien étroit avec le greffe et les avocats ; il faut développer comme l'a rappelé Me Pellerin, la médiation et tous les modes de résolution amiable des différends ; développer l'intervision ; adapter les circuits de traitement des dossiers à leur complexité et leur spécificité et pour cela se doter d'outils pour évaluer celles-ci et s'adapter aux évolutions de contentieux ; il faut permettre la spécialisation des juges dans les contentieux techniques particuliers tels que ceux que peuvent connaître le tribunal de Paris et la cour.
Pour la Cour de cassation, la table ronde a évoqué deux voies d'évolution qu'elle estime peu réaliste :
- une évolution sur la fonction normative
- une évolution sur la fonction de pure réformation
et proposé un examen critique de solutions expérimentées dans d'autres pays telles que le système d'autorisation de recours par la cour d'appel ou la création d'une chambre dédiée aux questions disciplinaires au sein de la cour d'appel.
Madame le professeur Chainais s'est aussi interrogée sur l'abandon de toute fonction disciplinaire de la Cour de cassation tandis que Me Pellerin a proposé d'utiliser la voie des requêtes devant le juge d'appel afin de le saisir des défauts formels de ses propres décisions.
Certains de ces débats sont en cours à la Cour de cassation. Des propositions devraient intervenir dans les prochaines semaines.
En tout cas, la première présidente a indiqué rejoindre les préoccupations de Madame le professeur Chainais sur le fait qu'il ne faut pas brouiller les rôles avec un juge d'appel qui deviendrait juge de cassation de la première instance.
Troisième table ronde : Repenser la procédure sur recours
Intervenants :
Lucie MAYER
professeur de droit à l'Université de Paris sud
Patricia GRASSO
conseillère à la cour d'appel de Paris
Stéphane LATASTE
avocat, ancien membre du conseil de l'Ordre
Chantal Arens est revenue sur son questionnement initial pour cette réflexion sur la procédure sur recours, rejoignant ainsi l'interrogation de Madame le professeur Mayer : Quel est le but de la procédure ? Qu'il y ait un bon débat afin de rendre une bonne décision. Les règles procédurales ne trouvent pas leur finalité en elles-mêmes ; elles sont la traduction d'une certaine conception philosophique et politique du procès.
Les intervenants de la 3ème table ronde ont appelé de leur voeu que le rôle du conseiller de la mise en état soit renforcé pour en faire un acteur essentiel de la procédure d'appel. L'idée d'une totale indépendance de ce conseiller par rapport à la juridiction, pour en faire un magistrat spécialisé, a été évoquée. Le code de procédure civile prévoit déjà dans son article 913 une véritable mise en état intellectuelle, au service du justiciable mais il n'est pas pleinement mis en oeuvre.
La première présidente a confirmé ici l'intérêt d'une vraie mise en état avec des rapports avant la clôture qui permettent de pointer ce qui ne va pas tant sur la forme que sur le fond, cette question étant en lien direct avec la qualité de la décision évoquée ci-avant. Elle s'est montrée beaucoup plus sceptique sur l'autonomisation des conseillers de la mise en état, surtout dans les contentieux spécialisés.
Cette table ronde a d'une part interrogé l'oralité en cause d'appel face à la montée en puissance de l'écrit. Les intervenants ont souligné que le renforcement de la place de l'écrit a conduit la Cour, même dans les procédures orales, à organiser une sorte de mise en état qui n'est certes qu'indicative mais qui a le mérite d'exister puisque, si elle ne comporte pas de sanction à proprement parler, elle peut en pratique se traduire par une radiation de l'affaire qui n'aurait pas été en l'état, plutôt qu'un renvoi. Pour autant, ils se sont inquiétés d'un éventuel excès de « concentration procédurale » dans l'hypothèse d'une limitation de l'appel à la seule réformation du jugement, abandonnant ainsi l'appel voie d'achèvement et la possibilité de faire des demandes nouvelles, dès lors qu'elles découlent de celles formées en première instance. Mme le professeur Mayer a proposé une généralisation de la procédure écrite qui aurait selon elle le mérite d'obliger toutes les parties à conclure et produire leurs pièces avant la clôture, ce qui améliore considérablement le contradictoire.
Les intervenants ont d'autre part évoqué la problématique des délais en indiquant que selon eux, le renforcement souhaité du rôle du conseiller de la mise en état, devrait permettre de revenir à un système plus raisonnable que la rigidité des trois mois et deux mois posée en début de procédure confrontée à l'attente d'une audience pour plaider plus d'un an souvent avant ces échanges de conclusions puisque l'encadrement temporel imposé ne concerne pas la totalité de l'instance mais uniquement sa phase initiale...! D'autant que le non respect de ces délais continue, plus de 6 ans après la réforme, de créer du contentieux.
Ainsi, avec un conseiller de la mise en état aux pouvoirs renforcés et proactif dans les procédures, « arbitre des délais », on pourrait imaginer qu'après un échange de conclusions de l'appelant et de l'intimé, celui-ci puisse orienter le débat vers telle ou telle question qui lui semblerait devoir être posée ou approfondie, ou, au contraire, s'il estime que les deux jeux de conclusions lui paraissent suffisants, rendre une ordonnance de clôture après, bien entendu, comme en dispose le code de procédure civile, en avoir prévenu les parties avec un délai de préavis raisonnable pour que ceux-ci puissent éventuellement réagir.
Cette table ronde a enfin constaté la dégradation de la qualité des écritures judiciaires et encouragé l'élaboration de guides de bonnes pratiques et la rédaction de plans types à l'instar des travaux menés par la cour d'appel de Paris sur la structuration des écritures, devenue présentation des écritures. Pour avoir initié ce travail en première instance, la première présidente ne pouvait que soutenir cette proposition qui doit s'accompagner, comme cela a été évoqué, d'un enseignement rénové à l'EFB « main dans la main » magistrats et avocats, et tenir compte du développement de la dématérialisation des échanges et donc du travail sur écran.
De même, Chantal Arens a souscrit à la proposition du professeur Mayer, de prévoir une présentation structurée des écritures, dans le cadre de protocoles avec les barreaux qui garantissent à la fois des échanges utiles mais limités et dans des délais raisonnables ainsi qu'elle l'avait initié au tribunal de grande instance de Paris.
Quatrième table ronde : Repenser l'administration du recours
Intervenants :
FONTANAUD Daniel
président de chambre à la cour d'appel de Paris
Julie COUTURIER
avocat, ancien membre du conseil de l'Ordre
Loïs RASCHEL
magistrat, maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre La défense,
en détachement judiciaire
La dernière table ronde, qui aurait pu être la première, s'est intéressée à l'administration du recours, en d'autres termes la gestion du recours et a souligné que « l'administration du recours fait partie des fondamentaux de la justice ».
Il est possible d'asseoir la réflexion sur l'existant tel que l'article L111-3 du COJ « Les décisions de justice sont rendues dans un délai raisonnable » et de souligner que la bonne gestion du temps judiciaire est intimement liée à la qualité de la façon d'administrer le recours.
Une bonne administration de la justice repose en effet sur l'absence de retard excessif dans l'obtention d'une décision.
« Mieux administrer c'est mieux juger » et pour se faire, la table ronde a proposé une méthodologie de l'administration à partir d'un bilan de l'existant, en identifiant les actions et les acteurs et les niveaux d'intervention du national au local, en fixant des objectifs et en déterminant les moyens.
Il a été proposé par Monsieur le professeur Raschel d'envisager une taxe pérenne dont le produit serait directement affecté au budget de la cour d'appel ou encore d'explorer la piste des dépens pour Me Couturier.
Monsieur Raschel a également évoqué la réforme de la carte judiciaire pour s'interroger sur le gain qui pourrait en résulter sur les délais de traitement ?
La table ronde a souligné l'importance de développer le travail en équipe, magistrats et avocats, oeuvrant ensemble pour une justice de qualité.
Ainsi s'il est certain qu'une réforme de la carte judiciaire est indispensable, il est tout aussi nécessaire qu'elle soit pensée en lien avec une gestion des ressources humaines et avec la prise en compte de la nature des contentieux traités.
Propos conclusifs
Pour conclure, Chantal Arens a rappelé qu'en trente ans, nous sommes passés d'une société monolithique où le procès était la chose des parties avec un litige immuable à une société multidimensionnelle où le temps, la complexité et l'efficacité deviennent prégnants.
En l'absence d'études qualitatives et quantitatives entre les voies de réformation et d'achèvement, choisir entre ces deux voies, la question semble mal posée.
Comme la procédure civile est faite d'équilibre, le point d'équilibre reste à trouver entre le rôle des parties et l'office du juge, qui est au cœur des principes directeurs sur lesquels est fondée la procédure civile ; entre l'efficacité de la justice et sa mission protectrice ; entre célérité et qualité ; entre le rôle de la première instance et l'évolution du litige ; entre la volonté de favoriser un procès équitable avec en marge l'accès aux voies de recours et celle de limiter l'accès au juge.
Aussi plutôt que de proposer une nouvelle réforme de l'appel stricto sensu, un « toilettage » du décret Magendie pour reprendre l'expression de madame le professeur Amrani-Mekki, je pense, avec les intervenants de ce jour, avant tout nécessaire de mener une réflexion sur :
- le rôle des avocats et l'office du juge : « il faut recentrer l'office du juge »
- la nature des contentieux traités d'autant que toutes les affaires n'appellent pas le même traitement
- la qualité des décisions rendues et la prévisibilité de la jurisprudence.
La question a été clairement posée : Faut-il une réforme globale ou des propositions pragmatiques.
Elle y a répondu en deux temps :
Pour que l'articulation entre la première instance et l'appel fonctionne, il faudrait :
- renforcer le rôle de la première instance et revaloriser le rôle de l'appel
- un vrai rôle du juge de la mise en état en première instance et du conseiller de la mise en état en appel tel que ces mises en état « instruisent le juge » pour reprendre le propos de Me Jullien
- une collégialité effective en première instance comme en appel
- un travail en commun magistrats et fonctionnaires et développer l'équipe autour du juge
- un travail collaboratif entre le juge et l'avocat sur le fond et la forme (volumétrie des écritures en lien avec la dématérialisation) favoriser le débat entre les deux professions pour lutter contre la fracture dénoncée par Me Jullien et réconcilier les acteurs de la procédure comme le souhaite Madame le professeur Amrani-Mekki
- avoir une réflexion sur l'effet suspensif de l'appel en lien avec la qualité des décisions de première instance en particulier en matière prud'homale
- renforcer les modes amiables de résolution des différends.
Dans une approche nécessairement systémique et donc globale, les pistes possibles sont :
- se demander quel type de justice on souhaite et avoir une logique moins gestionnaire des effectifs et moyens ; sortir du débat, on veut une justice de qualité mais on ne s'en donne pas les moyens ; on oscille actuellement entre des contentieux numériquement importants dans de nombreuses juridictions et des contentieux très spécialisés concentrés dans certaines cours
- avoir une réflexion sur le recrutement des magistrats et fonctionnaires qui pour les jeunes magistrats sont plus publicistes que civilistes (pas d'études vraiment faites, cela ressort plus du ressenti et de l'observation des chefs de cour et de juridiction)
- avoir le bon juge au bon endroit et un vraie gestion des ressources humaines
- favoriser des profils de poste pour certains contentieux spécialisés (en lien avec l'autorité de nomination) (TGI Paris et Cour de Paris particulièrement sensibilisés par cette question, 2 à 3 ans étant nécessaires pour former un juge dans des matières complexes)
- dégager du temps aux juges de la mise en état et conseillers de la mise en état pour l'étude des dossiers, la mise en état et pour les chambres la préparation du rapport et l'étude des pièces
- favoriser les plaidoiries interactives
- pour avoir recours à une collégialité effective, soit augmenter le nombre de magistrats, soit diminuer le périmètre du juge
- d'avoir au plan national et ministériel une vison globale en terme d'effectifs et de moyens sur l'articulation entre la première instance, les cours d'appel et la Cour de cassation.
Dans le cadre d'une réforme structurelle de l'administration de la justice, l'idée serait donc de tendre vers un appel voie de perfectionnement tout en renforçant la première instance avec, au plan national et ministériel, une nécessaire vision globale en terme d'effectifs et de moyens sur l'articulation entre la première instance, les cours d'appel et la Cour de cassation, en partant de la première instance pour repenser l'ensemble de l'articulation.
Ce colloque repenser l'appel n'était-il pas en définitive « l'appel du 7 octobre » à revoir la procédure de cette voie de recours dite ordinaire mais surtout, plus largement, sur la nécessité de revisiter le code de procédure civile et le code de l'organisation judiciaire sans séparer la réflexion sur la procédure et sur l'organisation judiciaire.
Ainsi que l'a souligné Chantal Arens, nous sommes passés de l'équilibre au déséquilibre. Il faut revenir à l'équilibre...
Les actes de ce colloque sont publiés à la Gazette du palais du 31 octobre 2016.
Ecole de Formation des Barreaux — Cour d'appel de Paris — Ecole nationale de la magistrature
— Université Paris Ouest Nanterre La défense — Centre de droit pénal et de criminologie —
Association Droit et procédure