05.10.2021 – CCIP-CA - RG 19/16601 – Arbitrage international
5 octobre 2021 – CCIP-CA - RG 19/16601 – Arbitrage international – ordre public international (droits de l'homme, droit international humanitaire, sanctions internationale) -Rejet
Dans cette affaire, la CCIP-CA était saisie d'un recours en annulation fondée notamment sur une violation de l'ordre public international. Les recourantes soutenaient qu'il existait un faisceau d’indices permettant de conclure à sa méconnaissance dès lors que la sentence prévoit le versement de sommes à des parties selon elles contrôlées par des autorités qui commettent des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et qui sont sous le coup de sanctions internationales et européennes.
La cour rappelle en premier lieu qu'au nombre des principes relevant de l'ordre public international « figurent la lutte contre les violations des droits de l'homme, protégés notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et le Pacte des droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ainsi que la lutte contre les violations du droit humanitaire international, lui-même consacré par les Conventions de Genève (1949), entrées en vigueur en France en 1951, et notamment la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949 » (§35).
Elle rejette cependant le moyen estimant que la sentence n'encourt pas ces griefs. Elle considère que « La conformité d'une sentence arbitrale à l'ordre public international s'appréciant au moment où le juge statue, ne peuvent être prises en compte des circonstances futures hypothétiques présumant l'emploi par l'une des parties au litige des sommes dues en exécution de la condamnation prononcée par cette sentence à des agissements violant les valeurs et principes protégés par l'ordre public international » (§37) et qu'une « telle prise en compte, en ce qu'elle supposerait d'anticiper sur des événements futurs et porterait sur des actes qui, pour condamnables qu'ils soient, sont détachables de ceux ayant conduit à la sentence et sur lesquels le tribunal arbitral a statué, relève d'un contrôle qui échappe au juge de l'annulation de la sentence » (§38).
Elle ajoute qu'il n'avait « jamais été soutenu durant la procédure arbitrale, et ne l'est pas davantage dans le cadre de ce recours en annulation, que les contrats conclus entre les parties qui sont à l'origine du litige et dont la sentence donne effet en prononçant diverses condamnations en paiement sur leur fondement, ont été obtenus dans des conditions heurtant les principes évoqués ci-dessus, ou même qu'ils ont permis à l'une quelconque des parties de s'affranchir de ces principes ou d'en retirer quelque avantage en contradiction manifeste, effective et concrète avec ceux-ci » (§41).
Sur le grief tiré de la violation des sanctions internationales et européennes, la cour rappelle que « les sanctions internationales et européennes, en ce qu'elles visent à contribuer au maintien et au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales, et portent sur des valeurs dont l'ordre juridique français ne peut souffrir la méconnaissance, font partie de la conception française de l'ordre public. Dès lors la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence qui méconnaîtrait de telles sanctions heurterait l'ordre public international français » (§43).
Elle ajoute que « s'il ne relève pas du juge de l'annulation, même sous couvert du contrôle du respect de l'ordre public international, d'étendre ces sanctions à des personnes qui ne figurent pas sur les listes annexées à ces sanctions, en revanche, il rentre dans son contrôle de vérifier que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'est pas susceptible de contrevenir à ces sanctions en permettant « directement ou indirectement », la mise à la disposition de fonds à des personnes physiques ou morales, entités ou organismes inscrits sur la liste figurant à l'annexe I ou que ces fonds soient utilisés à leur profit » (§ 60).
Elle précise cependant que « cette vérification doit être faite au regard de la situation appréciée au jour où le juge statue et doit ainsi reposer sur des indices graves, précis et concordants qui permettent de caractériser une méconnaissance des sanctions prononcées du fait de l'exécution de la sentence arbitrale » (§61). Ayant procédé à une analyse des éléments du dossier au regard des critères permettant de caractériser une telle mise à disposition indirecte des fonds en exécution de la sentence, la cour a considéré que ceux-ci ne permettaient pas d'en conclure à une violation en l'espèce de l'ordre public international (§62 à 78).
5 October 2021 - ICCP-CA - RG 19/16601 - International arbitration - international public policy (human rights, international humanitarian law, international sanctions) - Dismissal
In this case, the ICCP-CA was seized of an action to set aside based in particular on a violation of international public policy. The claimants in the action argued that there was a body of evidence to support the conclusion that it had been violated, since the award provided for the payment of sums to parties which, according to them, were controlled by authorities that were committing violations of human rights and international humanitarian law and which were subject to international and European sanctions.
The Court firstly recalled that the principles of international public order “include the fight against violations of human rights, protected in particular by the European Convention for the Protection of Human Rights and Fundamental Freedoms of 4 November 1950 and the Covenant on Civil and Political Rights of 16 December 1966, as well as the fight against violations of international humanitarian law, itself enshrined in the Geneva Conventions (1949), which entered into force in France in 1951, and in particular the Geneva Convention (IV) relating to the Protection of Civilian Persons in Time of War, of 12 August 1949” (§35).
It dismissed however the claim, considering that the award did not incur these grievances. It considered that “since the conformity of an arbitral award with international public policy is assessed at the time when the court rules, hypothetical future circumstances cannot be taken into account which presume that one of the parties to the dispute will use the sums due in enforcement of the award to engage in conduct that violates the values and principles protected by international public policy” (§37) and that “such a consideration, in that it would involve anticipating future events and would relate to acts which, however reprehensible they may be, are detachable from those which led to the award and on which the arbitral tribunal ruled, is a matter for review which is beyond the scope of the judge setting aside the award” (§38).
It added that it had “never been argued during the arbitral proceedings, nor is it argued in the context of this action to set aside, that the contracts concluded between the parties which gave rise to the dispute and which the award gives effect to by making various orders for payment on their basis, were obtained under conditions that infringe the principles referred to above, or even that they allowed any of the parties to disregard these principles or to derive some advantage in clear, effective and concrete contradiction of them”. (§41).
On the ground of violation of international and European sanctions, the Court recalled that “international and European sanctions, in that they are intended to contribute to the maintenance and restoration of international peace and security and concern values which the French legal order cannot allow to be disregarded, form a part of the French concept of public policy. Consequently, the recognition or enforcement of an award that disregards such sanctions would offend French international public policy” (§43).
It added that “while it is not for the judge setting aside, even under the guise of reviewing compliance with international public policy, to extend these sanctions to persons who do not appear on the lists annexed to these sanctions, however it falls within the scope of its control to verify that the recognition or enforcement of the award is not likely to contravene these sanctions by allowing "directly or indirectly" the provision of funds to natural or legal persons, entities or bodies listed in Annex I or that these funds are used for their benefit” (§ 60).
It specified however that “this verification shall be carried out with regard to the situation assessed on the day of the judge’s ruling and shall therefore be based on serious, precise and concordant evidence that makes it possible to characterize a disregard of the sanctions imposed as a result of the enforcement of the arbitral award” (§61). Having analyzed the evidence in the case file in the light of the criteria for characterizing such an indirect provision of funds in enforcement of the award, the Court considered that these could not lead to the conclusion that there had been a violation of international public policy in this case (§62 to 78).