La Justice vue par les peintres contemporains
« La Balance » - Œuvre de Victor GRAY, lauréat du concours, exposée en salle d’audience n°7 du tribunal judiciaire
Lancé en mai 1994, sous l’égide de Raymond EXERTIER, alors premier président de la cour d’appel de Toulouse, ce concours ayant pour thème « la Justice » a été ouvert aux peintres résidant dans les quatre départements du ressort.
Parmi les 51 esquisses parvenues au greffe de la cour d’appel, le jury, composé de magistrats et de professionnels de l’art, en a retenu trois signés Victor GRAY, Robert REY et Aline ZANINI.
Si tous trois ont adopté un format carré - celui qui, plastiquement, oblige le spectateur à concentrer son regard mais qui est aussi un symbole d’équilibre - leur approche a toutefois été profondément différente : plus symbolique pour Victor GRAY, plus humaine pour Robert REY et plus allégorique pour Aline ZANINI.
A la suite d’une longue et riche délibération, au cours de laquelle ont été évoqués le sens des œuvres réalisées au format de 1m/1m et leur dimension artistique, c’est la proposition de Victor GRAY qui a obtenu 7 voix sur 9.
Ce dernier a choisi de graver une balance sur un fond apparemment bicolore, mais son noir laisse deviner une base blanche et son blanc effleurer le noir. Evoquant sa création, Victor GRAY explique qu’il a « essayé de restituer un équilibre entre deux extrêmes, entre un mal nécessaire et un mal inutile ». Il ajoute que « c’est le travail du peintre qui rend, ici, le côté humain de la justice, le traitement en transparence de la couleur tranchée et pourtant nuancée ».
« La Balance » - Œuvre de Victor GRAY, lauréat du concours, exposée en salle d’audience n°7 du tribunal judiciaire
Robert REY a quant lui construit, au couteau, dans une matière épaisse, des silhouettes abstraites et colorées.
Il dira « j’ai traité le sujet comme je peins habituellement. Il n’y a pas d’image, juste des couleurs : du rouge et du noir. Ce sont des tâches ». Il reconnaîtra toutefois que celles-ci évoquent les robes des hommes et femmes de la justice, cette dernière étant à ses yeux, avant tout, une question humaine.
« Les Robes » - Œuvre de Robert REY, exposée en face de la salle d’audience dite « d’En-Haut » de la cour d’appel
Aline ZANINI a pour sa part opté pour une image floue, entre ombre et lumière, symbolisant « le combat de l’ange ». Elle expliquera qu’elle voit « le combat de l’ange comme une épreuve un peu mystérieuse. C’est une épreuve pour le prévenu qui se bat contre ses démons, c’est aussi le combat de l’homme de droit qui doit rendre un jugement ». Elle ajoutera « c’est peut-être un mythe, mais je crois qu’il faut défendre la justice et lui donner une image noble parce qu’on en a besoin ».
L’œuvre d’Aline ZANINI n’étant pas devenue, contrairement aux deux autres, sa propriété, la cour d’appel ne dispose malheureusement pas de représentation de celle-ci.
***
Ces trois tableaux ont été exposés à l’espace Saint-Cyprien, aux côtés d’une trentaine d’esquisses envoyées à la cour d’appel, du 24 octobre au 5 novembre 1994.
Et pourtant, l’œuvre de Victor GRAY a bien failli ne jamais retrouver les murs du palais de justice. En effet, dans l’après-midi du 2 novembre 1994, une giclée d’acide a été projetée dans la partie supérieure, dégoulinant en longues traînées sur toute la surface, détruisant définitivement la peinture.
Victor GRAY a peint un nouveau tableau dont il a fait don à la cour d’appel. Il est actuellement accroché sur l’un des murs de la salle d’audience n°7 du tribunal judiciaire. Il a également réalisé une gravure, tirée à 30 exemplaires, qui a été offerte à différentes personnes des mondes de la justice et de l’art.
Gravure de « La Balance » de Victor GRAY
|