Histoire et architecture de la Cour d'appel de Colmar
Lorsqu'ils annexaient des territoires, les rois de France avaient soin d'y organiser la justice. Louis XIV décida de créer en Alsace une juridiction supérieure, établie d'abord à Ensisheim puis transférée en 1674 dans la ville fortifiée de BRISACH, et de là en 1681 dans la nouvelle ville de BRISACH, pour être définitivement installée le 1er Mai 1698 à Colmar.
L'édit de septembre 1657 a conféré à cette juridiction supérieure le titre de Cour Souveraine mais un édit de novembre 1661 l'a remplacée par un Conseil Provincial qui a fait que le Parlement de Metz soit devenu Juridiction d'Appel pour les territoires d'Alsace.
Un 3ème édit de novembre 1679 a rendu la Juridiction d'Appel au Conseil d'Alsace.
Le Conseil Souverain s'est installé à Colmar, dans l'actuel Tribunal de Grande Instance.
La Constitution de l'An VIII va créer le Tribunal d'Appel à Colmar malgré les convoitises de Mulhouse et de Strasbourg. Son ressort s'étendait sur le Haut-Rhin qui comprenait Belfort et sur le Bas-Rhin.
Le 10 Juin 1811, l'Empereur Napoléon 1er instituait la Cour Impériale de Colmar.
Le 5 septembre 1870, la République était proclamée à Colmar et la Cour Impériale devenait Cour d'Appel jusqu'à son expulsion par les Allemands.
De tout temps, aussi bien le Conseil Souverain d'Alsace que la Cour Impériale ou Royale et la Cour d'Appel, puis l'Oberlandesgericht ont toujours été à l'étroit dans leurs locaux.
En 1818, le plafond de la Cour d'Assises menaçait ruine et l'on craignait un accident, l'aération de la salle était défectueuse; dans d'autres salles d'audience, les magistrats se plaignaient d'être au contraire trop bien aérés.
Il y avait plus grave, le bâtiment de la Cour d'Appel, place du Marché aux Fruits n'était pas entièrement consacré à la justice car la Ville de Colmar louait les greniers et les caves.
Les combles étaient loués aux lavandières et lorsqu'elles accrochaient le linge à sécher, l'eau dégoulinait du plafond et allait mouiller les Conseillers et leurs dossiers.
Les caves étaient louées à des viticulteurs de Colmar qui entreposaient des fûts de vin nouveau en automne et les odeurs de moût et d'alcool incommodaient les gens de justice.
Il a fallu 82 ans pour remédier à cette situation et construire en 1902, la nouvelle Cour d'Appel, avenue Poincaré.
La décision de construire un nouveau palais pour la Cour d'Appel a été prise en 1900 après de longues hésitations sur le point de savoir si le siège de la juridiction de second degré devait-être maintenu à Colmar ou transféré à Strasbourg.
L'Empire allemand n'ayant pas plus d'argent pour construire un nouveau palais que n'en avait autrefois l'administration française, c'est la Ville de Colmar qui a offert gratuitement le terrain aux Services Judiciaires avec en plus un crédit de 400 000 marks pour financer les travaux.
Colmar a sacrifié le vignoble expérimental de la société locale d'horticulture et de viticulture qui s'y trouvait, au lieu dit "Hohlandsbergwall"
Un concours de projets a été organisé. Le Jury était présidé par le Premier Président de la Cour d'Appel. L'étude des architectes alsaciens a été retenue, mais modifiée pour des raisons d'économie car trop grandiose.
Les travaux ont débuté en mai 1902, le bâtiment a été définitivement remis à ses destinataires le 17 septembre 1906.
La légende voulait que le bâtiment soit une copie du Parlement de DRESDE, ce qui est probablement inexact.
La similitude de notre bâtiment avec le château du Belvédère à Vienne a été relevée. En effet, l'arrière de la façade constitue presque une copie du Belvédère, ce qui permet de dire que le bâtiment est de style baroque viennois.
Deux obélisques surmontées d'un globe veillent devant l'entrée, centrale et massive, qui se compose d'un puissant portique de six colonnes ioniques reposant sur un magnifique balcon.
L'énorme porte centrale est flanquée de deux colonnes baguées et surmontées d'une sculpture de NEMESIS, déesse grecque de la vengeance et de la justice distributive, dont le visage est enserré par de nombreux reptiles.
Le socle du bâtiment a été construit en granit, le sous-sol en grès rose des Vosges, les façades sont en grès blanc-gris.
Certains éléments de décoration dans les couloirs, le patio, la galerie ont une iconographie particulièrement riche avec des réminiscences incas, grecques, asiatiques, notamment cambodgiennes, sans parler des chefs d'oeuvre en stuc.
L'interprétation de ce registre iconographique qu'en donne M. LORENTZ est la suivante :
La série de têtes de boucs placées à l'entrée de la grande salle d'audience du rez-de-chaussée sous l'escalier, signifie la conjuration du mauvais sort ou un appel primitif au secours des forces salvatrices de la sorcellerie.
Il y a dans les sculptures, un dialogue entre les monstres, ceux des deux fontaines asséchées de l'aula, ceux qui représentent les esprits de la forêt sur le grand escalier rose et majestueux, les divinités démoniaques ailées sous les voûtes à l'entrée et les anges du premier étage, qui bien que maladroits, rappellent avec le ciel et son assomption que Dieu sauve les hommes et apporte l'espoir. C'est un combat du bien et du mal et que les magistrats s'inspirent de la justice divine !
Ceux du rez-de-chaussée sont donc encore en enfer avec les forces telluriques et les divinités païennes de la mythologie germanique. Ceux du premier étage voient déjà la lumière et leur accomplissement grâce à l'action rédemptrice des magistrats et de leur jurisprudence.
Mais un peu comme jouant les trouble-fêtes, il y a aussi au premier étage, des personnages folkloriques, comme la tête d'alsacienne et de lorraine et dans la grande bibliothèque, quatre têtes de personnages attribuées à un ouvrier, un meunier, un homme sauvage, une sorte de Diogène et un satyre, dont on ne comprend pas bien leur présence dans cette pièce.
Il y a également une représentation des quatre saisons sous la voûte de la galerie supérieure.