9ème édition des Journées Cambacérès - Justice et environnement

05/11/2025 - mise à jour : 05/11/2025

Depuis leur création en 2015, les Journées Cambacérès sont devenues un marqueur important de la relation nourrie qui unit la cour d’appel et la faculté de droit de Montpellier. En présence de nombreux étudiants, les juristes montpelliérains s’y réunissent, sous la figure tutélaire du premier d’entre eux, pour débattre d’un thème d’actualité et confronter pratique judiciaire et travaux universitaires.

Colloque Cambacérès

La IXème édition était consacrée à la thématique environnementale si prégnante dans nos enjeux contemporains et son traitement, encore balbutiant, par les juridictions tant en matière civile et pénale qu’en matière administrative.

Pour retrouver les propos introductifs du premier président de la cour d’appel, cliquer ICI.

Placée sous la présidence du premier président de la cour d’appel de Montpellier, Jean-Michel Etcheverry, la matinée a permis d’aborder, successivement, les différentes fonctions assignées à la justice environnementale, les standards mis en œuvre par le juge, la manière dont l’organisation judiciaire tend à s’adapter et, plus généralement, les difficultés d’accès à la justice en matière environnementale.

Colloque Cambacérès 2

En effet, ainsi que le professeur Grégoire Leray l’a fait valoir, le droit de l’environnement s’est vu assigner un objectif existentiel pour l’humanité, parfois en concurrence avec le respect du droit de propriété et la liberté d’entreprendre. Alors que le juge judiciaire, certes mal armé pour faire face à la pluralité des défis environnementaux, demeure le juge du quotidien et des atteintes locales à l’environnement – au point d’avoir conçu le principe de la réparation du préjudice écologique jusqu’à sa consécration par le législateur - d’autres formes de contentieux environnementaux, plus systémiques, émergent déjà, portés le plus souvent par des associations militantes contre des sociétés multinationales. Rendant hommage au pouvoir créateur du juge judiciaire, le professeur Leray s’est interrogé sur l’audace dont le juge fera preuve dans les prochaines décennies face à ces nouveaux contentieux et a fait référence, dans un élan partagé, au moment fondateur qu’avait été la création par le même juge du droit du travail à la fin du XIXème siècle.

Malgré les discours et le foisonnement législatif ambiants, le droit de l’environnement a été présenté par Vanessa Monteillet, maître de conférences, comme demeurant incertain dans son effectivité. L’universitaire a incité les juges à recourir aux standards juridiques dans leur raisonnement alors que Cécile Capeau, inspectrice générale de la justice, après avoir questionné la lisibilité de l’organisation judiciaire, a rappelé le mouvement de spécialisation qui, peu à peu, a marqué la justice environnementale mais doit encore, à l’instar de l’évolution intervenue ces dernières années en matière de lutte contre les violences intrafamiliales, gagner en transversalité et en décloisonnement des services et des actions.

Après avoir rendu hommage à son tour à l’inventivité dont le juge judiciaire a pu faire preuve, le professeur Matthieu Poumarède a déploré les raisons qui continuent de faire obstacle à la saisine du juge civil et a déploré l’incapacité du droit de la responsabilité civile à réparer les atteintes environnementales. Il a qualifié ces obstacles de systémiques en ce que, faute d’avoir choisi entre accès au juge et réparation du préjudice, le législateur a attitré l’action en réparation du préjudice écologique en la réservant à certaines personnes au point d’invisibiliser les victimes. Afin d’en sortir, le professeur Poumarède a préconisé le recours à la solidarité moyennant la création d’un fonds de garantie qui agirait à la place des victimes et l’instauration d’un mécanisme d’affectation des fonds qui seraient ainsi récupérés.

Tous ont salué l’arrêt rendu le 24 septembre 2025 par lequel, se fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel ayant énoncé à la charge de chacun une obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de son activité (décision n°2011-116 QPC du 8 avril 2011),  la 1ère chambre civile de la Cour de cassation vient de juger, dans l’affaire dite « Diesel Gate », que l’obligation de délivrance conforme de la chose par le vendeur devait être interprétée au regard des articles 1er et 2 de la charte de l’environnement, permettant, selon les premiers commentateurs de la décision, d’opérer une convergence attendue entre le droit de la consommation et le droit de l’environnement.

Colloque Cambacérès 3

Placée sous la présidence du procureur général, Jean-Marie Beney, l’après-midi a permis de mettre au jour les marges de progression que, malgré plusieurs décisions importantes (exemple : TA Montpellier 22 juillet 2025, mines d’or de Salignes), l’office du juge administratif présente encore en matière environnementale selon Matthieu Laurenson, premier conseiller au tribunal administratif de Montpellier. La séquence a été aussi l’occasion pour Arnaud Gossement, avocat et professeur associé, de dresser un bilan encore mitigé du référé-liberté depuis que le Conseil d’Etat a consacré le droit de chacun à un environnement équilibré et respectueux de la santé (CE, 20 septembre 2022, n°451129).

Le colloque a permis enfin d’explorer le champ pénal, composé de plus de 3 000 infractions en matière environnementale, parmi lesquelles le délit dit d’écocide dont le professeur Charlotte Dubois a rappelé la genèse et démontré les limites. Les échanges ont permis de mettre l’accent sur la place de la négociation dans la réponse pénale aux atteintes environnementales, s’agissant plus particulièrement de la convention judiciaire d’intérêt public environnementale (CJPE) que, selon Vincent Le Gaudu, inspecteur général de la justice, les juridictions tardent à s’approprier et qui repose sur le dynamisme d’un nombre encore réduit de parquets. Ils ont aussi permis à Nemanja Despotovic, substitut général auprès du procureur général près la cour d’appel de Montpellier, de dresser un bilan provisoire de la mise en place du pôle régional spécialisé en matière d’atteintes à l’environnement, compétent dans le ressort de ladite cour.

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Colloque Cambacérès 4