2024 - CA Orléans - séminaire "Les forêts : des enjeux multiples, des actions locales"

Propos introductifs
Monsieur le procureur général remercie l’ensemble des intervenants et des participants, de leur présence et d’avoir répondu à l’invitation pour échanger durant cet après-midi sur les enjeux forestiers. Merci aux représentants des trois départements du ressort de la cour d’appel d’Orléans et au préfet de Bourges.
Monsieur le procureur général présente les raisons d’être du présent séminaire, qui s’inscrit dans une volonté plus globale de mettre en avant les enjeux environnement sur le ressort. C’est une déclinaison au plan régional d’une politique nationale. Parmi les préoccupations des citoyens et notamment de la jeune génération figure l’environnement. Il convient en la matière de tenter de rendre plus visible l’action des juridictions judiciaires. Le Pôle régional environnement, situé au tribunal judiciaire de Tours, a d’ailleurs recruté une assistante spécialisée pour appuyer cela, avec par exemple la mise en place des Comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (COLDEN).
Pourquoi la forêt ? La forêt constitue un trait d’union entre les trois départements. C’est un patrimoine unique de cette région Centre-Val de Loire. Ce patrimoine implique différents acteurs publics et privés qui concourent à la valorisation de ce patrimoine pour les générations futures. La forêt implique de se projeter sur le long terme, et les autorités judiciaires et administratives doivent accompagner les acteurs dans cette perspective. Les quatre parquets font vivre au quotidien cette politique pénale et le font avec engagement.
Madame Katia BLAIRON introduit et présente l’historique du droit forestier, qui a comme origine le droit pénal. A la fin des 1950’s, le droit forestier a commencé à perdre ses spécificités, bien que subsistent quelques particularités. Cela sera présenté et illustré au cours du séminaire. L’évolution va vers davantage de de droit commun du droit pénal. Le droit pénal forestier obéit certes à des règles générales, mais il faut considérer la situation particulière des forêts se situant dans le ressort territorial de la CA d’Orléans.
La région Centre-Val de Loire est une des régions les plus boisées de France .
Les forêts publiques gérées par l’ONF représentent 150 000 hectares, soit 14% des surfaces boisées de la région. Elles englobent quelques-uns des massifs les plus réputés de France, dont la forêt d’Orléans qui est la plus grande forêt domaniale de l’Hexagone (avec ses 35 000 ha). La forêt privée y est prédominante. En Centre-Val de Loire, elle occupe 86% de la forêt.
Les forêts du Centre-Val de Loire sont en grande majorité constituées de feuillus. Les chênes sessiles et pédonculés cumulent à eux seuls près de 60% des peuplements. Les principaux résineux sont les pins sylvestres, laricio et maritime. Au total toutes les forêts en région Centre-Val de Loire sont une ressource importante à plusieurs niveaux : l’IGN (Institut géographique national) recense près de 160 millions de m3 sur pied, dont près de 43 % se situe entre la Sologne et l’Orléanais. Dans leur dimension économique, elles représentent une ressource importante par la production de bois.
Dans leur dimension sociale et environnementale, elles constituent également un patrimoine important protégé par de nombreux dispositifs : réserves naturelles nationales et régionales, réserves Natura 2000, conservatoire d’espaces naturels, arrêtés de protection de biotope…
Les forêts font l’objet de plusieurs usages, pratiques, enjeux que le droit pénal appréhende.
Ce séminaire a pour objet de faire un bilan des différentes expériences des principaux acteurs en matière pénale, mais il contribue surtout à une meilleure application de ce droit grâce à la connaissance et la sensibilisation aux défis auxquels chacun fait face sur le terrain. L’objectif est de donc de mettre en cohérence une politique pénale, qui décidément caractérise depuis toujours le droit forestier, mais dans un contexte nouveau, pour ne pas dire inédit. Le Code forestier consacre les forêts en tant que telles, avec trois grandes fonctions : écologiques, sociales et économiques. Ce séminaire a pour objet de faire un bilan des actions de chaque acteur et de porter à connaissance et de sensibiliser les uns et les autres sur les enjeux et difficultés rencontrés par tout le monde dans le cadre de ses fonctions.
Madame la préfète de région remercie à son tour l’ensemble des participants et remercie Monsieur le procureur général pour l’initiative de l’organisation du séminaire et son intérêt sur ces thématiques. L’intérêt de la forêt est multiple, c’est un trésor (puit de carbone, alternative aux énergies fossiles, etc.). Trois dangers sont identifiés : 1) le risque incendie avec +4°C prévus dans la région Centre-Val de Loire (CVL) qui correspondrait au risque incendie de la région du Midi. La Sologne est classée à risque. 2) La mortalité des espèces. La forêt c’est le temps long qui ne s’accorde pas avec nos sociétés où le profit s’impose. 3) Le partage des usages. La région CVL est une région administrative avec trois procureurs généraux. La parole de l’Etat doit être claire et les réponses sans ambiguïté.
Table ronde 1 – Gestion du milieu et des ressources
Introduction
Madame Katia BLAIRON introduit cette première table ronde. La première table ronde aborde la question de la réglementation des coupes et du défrichement.
La gestion du milieu et des ressources est une préoccupation historique du droit forestier, qui est d’une actualité particulière en période de changement climatique, d’incendie, de maladies entre autres. Le défrichement consiste, selon le code forestier [Article L341-1 du code forestier], dans « toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière », sans pour autant faire « disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis » au code forestier [Ibid.].
- Pouvoir important du propriétaire (abusus)
- (J. Liagre) le défrichement peut prendre des proportions catastrophiques, faisant disparaître à jamais des milliers d'hectares boisés.
- (J. Liagre) Les dispositions répressives visent à dissuader les propriétaires forestiers de mettre à mal leurs bois et forêts. Sur cette base, le délit de défrichement illicite est constitué non par le seul fait matériel de détruire les peuplements mais par l'absence d'autorisation administrative préalable. Selon une jurisprudence ancienne [Cass. crim., 11 avr. 1846], comme l'autorisation doit être sollicitée par le propriétaire, le délinquant principal ne peut être que le propriétaire [Peu importe si proprio se prétend victime agissements clandestins de ses salariés (Cass. crim., 11 mai 1849).]. Cela illustre l'importance de l'intérêt général qui s'attache à la conservation des peuplements et à la vocation forestière des terrains tant publics que privés.
Le droit forestier se préoccupe de l’état du boisement et les dispositions répressives visent à dissuader.
Vincent GUIGNARD, DDT 37, Rappel de la réglementation en matière de coupe et de défrichement
La diversité d’encadrement pour les coupes varient en fonction : de critères (si privé ou public), des objectifs de la coupe (commercialisation ou besoins domestiques), de l’intensité de la coupe, etc.
On retrouve le défrichement à l’article L. 341-1 C. forestier. Si tempête ou incendie, ce n’est pas du défrichement car ce n’est pas volontaire. C’est la perte de l’état boisé. L’urbanisation est par exemple du défrichement. Il y a du défrichement direct et du défrichement indirect (le surpâturage par exemple, le camping ou encore la coupe rase sans reconstitution).
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Madame Katia BLAIRON souligne l’importance du dialogue entre experts forestiers et les juristes pour savoir qualifier une infraction.
Madame Laurence DE GRESSOT, Fransylva, Les enjeux de la forêt privée en CVL
Il s’agit d’une fédération des propriétaires des forestiers privés. C’est un syndicat représentatif. En région CVL, la forêt privée est très importante. La forêt est gérée au moyen d’un plan simple de gestion (PSG) ou autres documents qui sont des calendriers prévisionnels de coupes et travaux que le propriétaire doit suivre pour gérer sa forêt. Ce sont des petites forêts en moyenne. Seulement 2,5% des propriétaires ont des forêts de + de 25 ha. On constate une typologie variée de propriétaires puisque la moitié des propriétaires ont reçu leur forêt en héritage donc sont attentifs à la transmission. L’autre moitié l’ont acquise par amour de la nature mais aussi par investissement. Cela induit une variété des choix de gestion et dans les pratiques.
Le changement climatique en fragilisant les forêts entraîne une baisse des services rendus par la forêt et une augmentation de la pression sur le milieu et la ressource.
Les propriétaires doivent par ailleurs composer avec les attentes du public, comme le paysage et la libre circulation. La responsabilité pénale du propriétaire est également engagée en cas d’accidents sur son terrain même si la personne accidentée ne devait pas s’y trouver. Il y a là un véritable enjeu de conciliation notamment entre le changement climatique et les attentes des usagers.
Se référer au support.
Madame Katia BLAIRON rappelle que beaucoup d’enjeux pèsent sur les épaules des propriétaires forestiers. C’est un patrimoine pas comme les autres car les arbres sont des êtres vivants dont la gestion est normée.
Monsieur Alexis FEINARD, ONF CVL, Concilier la préservation de la biodiversité avec la production forestière en forêt publique
En région CVL une majorité de forêt publique sont reconnues Natura 2000. Monsieur FEINARD présente les espèces emblématiques de la région.
Les naturalistes parcourent les parcelles et vont indiquer les localisations où se reproduisent les espèces. Autour de l’aire de reproduction, un périmètre de zone de génération est défini et une coupe progressive est adoptée pour éviter de déranger cette espèce : 4ha autour de l’espèce + période de nidification de l’oiseau. La période de sensibilité est le printemps/été.
Le cadre s’appuie sur des guides techniques et porte ces prescriptions dans tous les documents qui régissent la gestion forestière, comme la fiche de chantier et la fiche de vente avec une clause que l’acheteur doit respecter.
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Madame Katia BLAIRON énonce que bien qu’il puisse paraître étonnant pour l’ONF de parler d’autre chose que de l’arbre : derrière arbre il y a toute la biodiversité. On constate un effet domino dans la protection. Elle souligne l’importance des documents de gestion au sein desquels tout est retranscrit. Le porter à connaissance est aussi très important, fondamental pour plusieurs espèces, car il est essentiel de connaître l’état de la ressource.
Monsieur Vincent LAIGNIEL, DDT 41, Cas d’une coupe illicite et abusive réalisée dans une forêt ne présentant pas de garantie de gestion durable – infraction au L. 124-5 du Code forestier
L’exercice du droit de propriété doit se faire dans le cadre d’une gestion durable, dont le pilier est le rôle multifonctionnel de la forêt. Le recours à l’article L. 124-5 du Code forestier est un voyant rouge pour la Direction départementale des territoires (DDT).
Monsieur LAIGNIEL présente un cas pratique concernant le signalement d’un mai suite à la destruction d’un chemin communal et le prélèvement de gros chênes sur une surface et une intensité importantes. Il y a un véritable contrat de vente entre l’expert et l’exploitant. Ce sont les éléments techniques sous-tendent la matérialisation de l’infraction.
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Monsieur Gaël LEGROS, CNPF CVL, Comment développer la gestion durable en forêt privée ?
Le CNPF est un établissement public national sous la tutelle du ministère de l’Agriculture. C’est un établissement administré par les propriétaires privés mais avec des directives très fortes de l’Etat. Les propriétaires ont une liberté de gestion des forêts. La mission du CNPF est d’orienter, de développer et d’accompagner les propriétaires.
Monsieur LEGROS définit et présente le PSG, lequel s’inscrit dans un moyen terme de 10 à 20 ans. Il faut prévoir chronologiquement les travaux, avec des demandes d’autorisation à la DDT. « Ce n’est pas qu’un tampon que l’on appose ». C’est le document de référence. « On ne juge pas à la tête du client et on n’édicte pas nos règles sur le coin d’une table ». Les techniciens se rendent sur le territoire pour vérifier. On peut demander aux exploitants de revoir leur projet plusieurs fois.
Il y a un degré de liberté du propriétaire et un niveau de contrôle de l’administration. Concernant les sites classés, les monuments historiques, les réserves naturelles au milieu de la forêt, il y a un guichet unique d’instruction vers la DRAAC pour qu’ils formulent des demandes de modification.
Les plus petits propriétaires ne sont pas des professionnels, ce qui nécessite une phase de vulgarisation et de conseils, car la réglementation est complexe.
Se référer au support.
Madame Katia BLAIRON rappelle qu’il s’agit d’autre établissement public administratif, ce qui n’est pas anodin.
Madame Anne-Sophie MOREL, substitute au parquet de Tours, Typologie des infractions et responsabilité pénale
Madame MOREL présente la typologie (non-exhaustive ici) des infractions relatives au défrichement et aux coupes illicites. Il y a plus de 15 NATINFS (nature de l’infraction) seulement sur la forêt. On parle de « coupe abusive » s’il y a des conséquences dommageables pour le milieu.
En droit pénal de l’environnement, la visée première reste la réparation en nature, la remise en état, lorsque cela est techniquement possible. C’est ce qui sera privilégié lorsqu’une infraction sera constatée.
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Madame Katia BLAIRON fait le parallèle entre ce qui vient d’être évoqué et la mise en œuvre de la compensation pénale au niveau environnemental.
Temps d’échanges :
Alliance forêt bois Poitou et CVL. Union coopérative forestière (gestion + de 2 millions), qui le premier fournisseur de bois. Un exploitant a face à lui aujourd’hui une jungle réglementaire face à laquelle nos équipes ont du mal. Une simplification de la règlementation est souhaitée.
Monsieur le procureur général fait un point sur le rôle du parquet – sur le compte du « je ne savais pas », il y a des comportements délibérément transgressifs. Point d’équilibre entre la volonté de la représentation de fixer des règles et les adapter sur le plan humain. C‘est la raison d’être du séminaire. il faut, au regard de l’urgence environnementale, être plus professionnel et conscients.
Romain DANIEL – SEF BARILLET Sur la gestion durable et la certification EFC, la réglementation calendaire procure une angoisse aux collaborateurs. Il n’y a pas de dérive de l’application des règles de la part des communes qui vont au-delà de la réglementation.
Monsieur le procureur général répond qu’il y a un travail de concertation avec le Tribunal administratif et la Chambre régionale des comptes pour davantage de cohérence et de responsabilisation notamment de la part des élus.
Madame la préfète de région répond à son tour que la question est complexe et que s’il y a des contradictions il faut les mettre en évidence et les évoquer avec les ministères pour une mise en cohérence et une simplification. Les DDT ont une démarche d’accompagnement à cet égard.
Table ronde 2 – Prévention du risque incendie
Madame Katia BLAIRON introduit la table ronde en évoquant l’augmentation des incendies de forêts est d’une autre actualité avec la loi n°2023-580 du 10 juillet 2023 qui a emporté des modifications substantielles [Not. l’abaissement du seuil de 25ha à 20ha pour l’obligation d’un PSG – cf. table ronde 1 – et un nouveau droit de préemption des communes, entre autres. + décret n°2024-295 du 29 mars 2024 simplifiant les procédures de mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement, + dans une autre mesure, la loi n°2024-247 du 21 mars 2024.]. Le risque incendie est régi depuis longtemps par le droit, mais sa gestion est rendue complexe dans un contexte d’incertitude climatique, doublé de pratiques à risques sur le terrain. Ici encore la prévention est particulièrement mise en avant, et la répression vise entre autres le non-respect des règles de prévention et de surveillance prévues par les textes, ou d’amélioration des actions de lutte contre les incendies
Par ex : obligations légales de débroussaillement, qui consiste selon le code forestier [Article L.131-10 du Code forestier.] dans « les opérations de réduction des combustibles végétaux de toute nature dans le but de diminuer l'intensité et de limiter la propagation des incendies. Ces opérations assurent une rupture suffisante de la continuité du couvert végétal ».
Monsieur François FAUCON, DDT 37, Cadre réglementaire de la défense des forêts contre les incendies
Le classement « risque incendie » est récent pour une partie la Sologne et l’Indre-et-Loire. L’équilibre sylvo-cynégétique doit être appréhendé et compris par le prisme de la lenteur de régénération. Il y a une diversité de bases réglementaires (7 Codes). Monsieur FAUCON fait le point sur la réglementation relative aux obligations de débroussaillement et notamment de la règle des 50 mètres (une attention particulière dans les PLU).
Se référer au support.
Colonel Thierry ROBERT, SDIS 41, RETEX feu de forêt de Souesmes et vers la surveillance de la Sologne
Il existe différents enjeux liés au feu de forêt mais pour la sécurité civile, l’enjeu majeur est celui de la protection du personnel.
Colonel ROBERT présente un retour d’expérience de gestion de feu de forêt. Il souligne l’existence du triptyque : prévenir le risque – prévoir l’ensemble des moyens nécessaires, pour faciliter les secours et opérer et être efficace. Il s’agissait d’un massif réparti sur trois départements, en 2020, sur 40 ha. Il faut pouvoir se projeter sur l’après : si 40 ha peuvent brûler, 500 ha peuvent brûler aussi.
Présentation du projet de surveillance de la Sologne, sur trois départements. Il s’agit d’un dispositif de détection des incendies (financé par des fonds étatiques). La détection précoce des incendies permettrait d’éviter que le scénario présenté se réitère. Ce qui est prévu avec les moyens qui sont en cours de mise en œuvre : caméras sur les châteaux d’eau, recours à l’intelligence artificielle.
Se référer au support.
Monsieur François FAUCON, DDT 37, Déclinaison de la défense des forêts contre les incendies (DFCI) dans les territoires
Illustration pratique présentée par Monsieur FAUCON et présente également le Plan départemental de protection des forêts contre l’incendie (PDPFCI). Les DDT sont chargées de décliner ces textes nationaux au niveau local.
Un point sur les obligations légales de débroussaillement est fait. Il y a une particularité concernant les sites Seveso. La définition de la largeur du débroussaillement par exemple est entre les mains du Préfet de département. Le volet urbanisme est essentiel. Ex. camping : jusqu’à maintenant ne prenait pas en compte le risque feu de forêt.
Se référer au support.
Madame Katia BLAIRON ajoute aux sources législatives et réglementaires le code de l’énergie (problématique des réseaux) et souligne le caractère transversal de cette thématique.
Madame Emmanuelle BOCHENEK, Procureure de la République d’Orléans, Typologie des infractions et responsabilité pénale
Ce séminaire participe pleinement d’une meilleure compréhension des enjeux et de sensibilisation de ceux qui font vivre la forêt et qui en vivent, et participe de l’élaboration d’une politique pénale en la matière. Ce n’est pas une masse dans l’activité des tribunaux de la Cour d’appel. Il n’y a pas de sur-judiciarisation des choses.
Il y a une classification avec la réglementation qui vise à prévenir le risque incendie : interdiction de faire des feux à une certaine distance, imposer le débroussaillement. La forêt reste un espace soumis à l’ensemble de toutes les réglementations. Ex. la réglementation relative aux feux d’artifice.
Il y a une articulation entre cette réglementation technique issue du Code forestier et l’exercice par l’autorité municipale, préfectorale et judiciaire. Le judiciaire se base aussi sur l’action ou non de l’administration (mise en demeure par ex., le non-respect d’une mise en demeure étant constitutif d’une infraction). Cette articulation doit être concertée avec les pouvoirs spécifiques dont disposent les maires et l’autorité préfectorale.
Concernant la classification en cas de risque survenu du risque incendie, au sens du Code pénal, il y a une atteinte au bien en raison du risque occasionné à autrui. Madame la Procureure précise la distinction importante et qui va tout dire de la sanction à l’endroit du caractère volontaire ou involontaire de la destruction. Dans le caractère involontaire il peut y avoir une faute simple, délibérée…
Temps d’échanges
Monsieur le procureur général : Est-ce qu’il y a une forme d’anticipation au-delà du plan de surveillance sur le matériel équipant les brigades ?
Colonel ROBERT : Oui, au niveau départemental. Il y a un pacte capacitaire avec l’engagement de l’Etat, à hauteur de 5 millions pour le Loir-et-Cher par ex. avec l’achat de 10 véhicules.
Madame la préfète de région s’interroge sur l’étendue du déploiement des caméras. Est-ce sur les 15 châteaux d’eau ?
Colonel ROBERT : La première dotation aura lieu au cours du deuxième semestre 2024 et dès 2025 on va pouvoir assurer cette surveillance.
Monsieur le procureur général : Y a-t-il une compensation financière en cas d’incendie pour les exploitants ?
Le CNPF : Il s’agit d’une perte économique sèche sauf si les propriétaires sont assurés.
Madame la préfète de région : Le changement climatique rebat les cartes des assurances.
Exploitant d’une scierie dans le Loiret : Est-ce qu’il est envisageable d’avoir un canal entre l’exploitant et SDIS ?
Colonel ROBERT : Il y a beaucoup d’initiatives en France en ce sens. Nous sommes en recherche de bonnes pratiques. Il faut passer une convention avec les différents acteurs. Il s’agit d’une intervention primaire avant même l’arrivée des secours en ayant pour objectif une attaque massive du feu.
La Caisse des dépôts : On parle beaucoup de la Sologne, j’espère que les autres massifs ne seront pas oubliés dans l’approche de prévention. Concernant les OLD, est-il possible de prioriser et de laisser une marge de manœuvre pour débroussailler avant été malgré la contradiction avec la période de nidification.
Jean-Noël RIEFFEL, directeur régional CVL de l’OFB : Nous en sommes conscients. Il y a actuellement une réflexion au niveau national sur le sujet.
Marie-Thérèse FLEURY : Concernant la prévention du risque, les organismes professionnels ont un travail de sensibilisation auprès des partenaires et propriétaires.
Monsieur le procureur général : La prise de conscience évolue-t-elle concernant le changement climatique ?
Marie-Thérèse FLEURY : Oui, il y a plus d’échanges avec la préfecture et les propriétaires.
Le CNPF souligne le fait que c’est difficile de trouver tous les propriétaires, qui sont au nombre de 240 000.
Table ronde 3 – Partage des usages de la forêt
Madame Katia BLAIRON introduit la table ronde. Les usages de la forêt sont nombreux. Souvent conflictuels. Chacun revendique d’une certaine manière son droit de propriété, ou son droit à la nature : le droit de randonner, de chasser, de courir, de faire du VTT, de camper, de cueillir les champignons, de ramasser des pierres et gravats… La liste est longue. A travers le thème de cette troisième table ronde, sont concernés ici toutes les fonctions de la forêt avec ses usages certes récréatifs, culturels et sociaux, mais aussi ses usages économiques par la ressource en bois mais aussi le tourisme.
Cependant, dans le cadre de ce séminaire, il s’agit d’évoquer plus particulièrement les usages appréhendés par le droit pénal dans la pratique. L’on parle certes souvent de conflits d’usage. La forêt est un lieu où se rencontrent différentes activités. Mais il s’agit aussi, et avant de les concilier, de le mettre en balance comme le symbole du droit et de la justice le représente bien. Si j’ai évoqué les fonctions sociales, récréatives et économiques, il ne faut pas oublier non plus la dernière fonction de la forêt, la fonction environnementale. La réglementation des usages est aussi animée par la protection de l’écosystème. Car un droit à la nature ne peut se réaliser que si la nature existe…
Monsieur Alain MACHENIN, fédération des chasseurs du Loiret, Les acteurs cynégétiques et les usages des espaces naturels
Monsieur MACHENIN présente les missions dévolues à la fédération départementale des chasseurs ainsi que les activités liées à la chasse dans la région. Il y a trois types de chasse en région CVL dont les chasses privées, les sociétés communales de chasse, les ACCA. L’intervention est spécifique au partage de la nature et aux pratiques de la chasse.
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Madame Katia BLAIRON constate qu’il s’agit d’une autre illustration de la superposition de réglementations et de la multitude de missions.
Monsieur Guy JANVROT et Monsieur Pascal DHUICQ, France Nature Environnement CVL, FNE CVL avocat de la biodiversité en forêt
Présentation de France nature environnement (FNE). En région CVL, il y a 16 associations et 5 000 adhérents. La mission principale est la préservation de la nature, de même que la connaissance et la pédagogie, sensibilisation auprès de tous (enfants et adultes). Le réseau fait l’objet d’agrément protection de la nature donc nous avons une légitimité à travailler avec la Justice.
Il existe une coalition transition énergétique et biodiversité, dont la thématique du bois énergie. Il y a deux principales structures en région Centre : la métropole d’Orléans et celle de Tours (70% du marché). Les quatre thèmes qui sont repris dans les contrats avec les maîtres d’ouvrages sont notamment coupe rase, matière organique laissée dans les sols.
La défense de l’intérêt général est au cœur de nos missions. On rencontre des difficultés sur le terrain : la divagation des chiens, les nuisances sonores, les dérangements, les véhicules terrestres à moteur (VTM). Il y a par ailleurs une sensibilisation des élus locaux (ex. itinéraires des VTM). Beaucoup de moyens et d’énergie sont mis en œuvre pour faire respecter la réglementation (ex. des multiples demandes d’annulation des arrêtés préfectoraux devant le Tribunal administratif (TA) et ce chaque année).
La période de chasse dissuade les activités pédagogiques de même que les inventaires naturalistes.
Madame Katia BLAIRON souligne le fait que l’intérêt général est défendu de toutes parts.
Lieutenant-Colonel Laurent DOUREL, Gendarmerie nationale – CESAN, Dispositif gendarmerie en matière de protection de l’environnement et coupe de bois illicite
Le CESAN a été créé en juillet 2023 L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) est de ce fait recentrée sur une activité du haut du spectre (bande organisée et internationale). Il y a une véritable structuration de la chaîne pour la Gendarmerie nationale.
Les contentieux sont multiples : coupes de bois illicites (exportation et importation), dépôt de déchets, chasse. Un focus sur le trafic de bois est présenté. Il est essentiel que les gendarmes se forment (y compris par ex. contrôle routier).
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Madame Katia BLAIRON constate l’existence d’un autre niveau de réglementation, au niveau international avec la Convention CITES, sur le trafic de bois. Le dommage économique est perceptible et aussi sur le milieu. Les malfaiteurs prélèvent le bois en anéantissant les sols et les capacités de régénération.
Monsieur Stéphane LOYAU, service départemental d’Indre-et-Loire de l’OFB, Sécurité à la chasse, 20 ans de suivi de l’accidentologie
Monsieur LOYAU présente le réseau national « sécurité à la chasse » de l’OFB. Lors d’une enquête accident, une bonne coordination est nécessaire au niveau régional entre la Gendarmerie nationale, l’OFB, la Police nationale (moins fréquemment) et le SDIS.
La distinction entre l’accident de chasse et l’incident de chasse est expliquée.
Un document est incontournable pour que les forces de sécurité intérieure et les agents de l’OFB puissent relever les infractions : le schéma départemental cynégétique. Ces documents doivent comprendre les prescriptions en matière de sécurité. Il faut une nécessaire collaboration dans leur rédaction.
Monsieur LOYAU présente le bilan de l’accidentologie et de l’incidentologie des 20 dernières années.
Se référer au support.
Madame Katia BLAIRON soulève l’importance de la pédagogie et de la formation en écho avec la propriété privée. C’est un vrai travail de fond.
Monsieur Jean-Cédric GAUX, procureur de la République de Montargis, Typologie des infractions et responsabilité pénale
Monsieur le Procureur de la République souligne l’importance de la conciliation des intérêts du public, et la protection de la biodiversité qui sous-tend cette action.
Un focus sur les infractions chasse est développé. Il insiste sur le fait que penser la responsabilité pénale se situe à l’endroit de la prévention du risque et de la sanction.
Temps d’échanges
Fédération syndicat du bois : La table ronde porte sur le partage des usages alors pourquoi aucun représentant des exploitants n’intervient au sein de cette table et de l’ensemble du séminaire ? Par ailleurs, la représentant de la fédération s’interroge sur la stigmatisation des professionnels de la forêt, et en particulier des exploitants.
Monsieur le procureur général répond en mettant en avant la participation des représentants des propriétaires forestiers, qui sont également chargés de s’assurer que l’exploitation de leur forêt se fait dans le respect de la réglementation. Si l’on fait intervenir des magistrats, c’est pour informer mais aussi pour mettre en lumière ce qui ne va pas ou ce qui dysfonctionne. Là où il n’y a pas de réglementation, là où il n’y a pas de contrôle, il peut y avoir des glissements, des erreurs.
Un forestier fait état d’un nombre de dépôts de plainte plusieurs fois par an, à la suite à de dépôts de déchets sauvages, pour lesquels il n’y a pas de suites judiciaires données aux plaintes.
Monsieur le procureur général répond en expliquant que les parquets ne peuvent pas poursuivre toutes les infractions faute de moyens et que la priorité est accordée aux gros dépôts sauvages ou selon la nature des déchets (ex. déchets issus du BTP).
Un forestier souhaiterait avoir l’information de la part de l’OFB lorsqu’un lieu de nidification est découvert.
Table ronde 4 – L’engrillagement
Madame Katia BLAIRON introduit la table ronde. Le thème de la dernière table ronde représente une sorte de synthèse, ou le lieu de rencontre, de tous les enjeux rencontrés dans les trois premières tables rondes. La gestion des milieux, l’accès aux parcelles aux fins de lutte contre l’incendie, le partage des usages, la protection et la sécurisation des différents usagers (cavaliers, vélos, enfants...), la préservation de la faune et la libre circulation des animaux sauvages, les risques sanitaires, ont été les préoccupations de la législation portant sur les clôtures.
L’engrillagement est d’abord, et avant tout, d’une actualité encore plus particulière en raison de l’entrée en vigueur de la loi du 3 février 2023, et de son lien étroit avec une région de la Région Centre Val de Loire. Selon l’exposé des motifs de la loi, ce texte a même été écrit pour la Sologne.
Madame Véronique LE HER, DDT 45, Engrillagement des espaces naturels : du contexte solognot à la déclinaison de la loi du 3 février 2023
Avant la loi engrillagement, il y avait une exonération des règles en matière de chasse assez impressionnante. Beaucoup d’avantages dont les conséquences directes étaient la mise en place de clôtures. Les clôtures deviennent perméables à la faune. Depuis la loi, il y a eu une abrogation des privilèges en matière de chasse.
Ila rédaction d’un guide national a été annoncée par le gouvernement au début du mois de mai de cette année, lors d’une visite officielle dans le Loiret.
Se référer au support.
Madame la préfète de région annonce, qu’en lien avec Monsieur Jean-Noël RIEFFEL, elle compte écrire à tous les propriétaires privés pour leur rappeler les dispositions législatives et réglementaires. Le guide auquel travaille l’OFB devrait être finalisé au début de l’été.
Monsieur Jean-Joël COURTHIAL, service départementale de Loir-et-Cher de l’OFB et Monsieur Florent SCHMITTLER, substitut du Procureur près le Tribunal judiciaire de Blois, Loi engrillagement – 1 an après
Sur les trois départements du ressort de la Cour d’appel, 5 procédures judiciaires ont été traitées (délit) et 4 sont en cours. Il y a beaucoup de pédagogie de la part de l’OFB sur le terrain en amont auprès des propriétaires. Le deuxième dossier il y a eu un classement sans suite car la personne avait pris les devants, l’infraction n’existait plus et il s’agissait d’une personne de très bonne volonté. L’essentiel est que la législation soit comprise.
Il y a un second volet par anticipation avec l’obligation de mise aux normes pour les clôtures existantes. Plusieurs enjeux coexistent au sein de la loi dont les enjeux sanitaires et ceux liés à la régénération de la forêt avec la surpopulation de grands gibiers et bien évidemment le risque incendie (accès aux secours).
Se référer au support.
Temps d’échange
FNE : Est-ce que les animaux échappés transportent des maladies ?
Monsieur Jean-Joël COURTHIAL : Concernant les clôtures ouvertes avant 2027, les textes de 2024 prévoient la présence de 2 cerfs aux 100 ha, ce qui est très bas, de même que 5 sangliers aux 100 ha et 6 têtes chevreuils aux 100 ha. Les espèces qui ne sont pas des départementaux doivent être abattues. C’est par exemple le cas des daims.
FNE s’interroge également de la présence de piétons au sein des propriétés privées qui seront alors ouvertes de fait à la suite du retrait des clôtures.
L’OFB répond qu’il s’agit d’une infraction (Contravention de 4ème classe).
Madame Katia BLAIRON demande s’il est obligatoire de mettre en évidence l’interdiction de l’accès aux piétons.
La DDT du 45 répond qu’il faut bien que la propriété privée soit matérialisée sur le terrain.
Fransylva demande si cette obligation est bien inscrite dans la loi ? Ce à quoi la DDT du 45 répond par l’affirmative.
Conclusions
Monsieur Denis CHAUSSERIE-LAPRÉE, procureur général près la cour d’appel d’Orléans
Ce séminaire n’est pas un aboutissement. Les magistrats du parquet feront en sorte que la loi soit respectée avec discernement. Il y a des personnes qui font preuve de bonne foi, de bonne volonté mais il y en a aussi qui ne sont pas attentives au respect de la règle et qui s’y refusent.
La réponse pénale se veut alors adaptée. Monsieur le procureur général présente d’ailleurs la mise en place d’un stage citoyenneté environnement sur le ressort de la cour d’appel d’Orléans. Il annonce par ailleurs l’organisation et la mise en œuvre de contrôle en coordination avec Madame la préfète de région. Il y a une réelle et sincère volonté de rétablir l’égalité.
Monsieur le procureur général remercie l’ensemble des intervenants de même que les participants pour leur travail et leur présence à ce séminaire.