2023 - Conseil de juridiction "environnement"

Cour d'appel d'Orléans
29/11/2023 - mise à jour : 21/02/2024
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Présentation

 

Le conseil de juridiction est prévu par le code de l’organisation judiciaire (Article R312-85 du COJ) qui stipule que le conseil de juridiction, coprésidé par le premier président de la cour d'appel et le procureur général, est un lieu d'échanges et de communication entre la juridiction et la cité. Il se réunit au moins une fois par an. 

 

INtro

Les enjeux environnementaux du ressort de la cour d’appel d’Orléans sont diversifiés et importants, ils témoignent de la richesse naturelle et biologique du territoire et de la nécessité d’en préserver l’ensemble des caractéristiques pour les générations présentes et à venir.

Plusieurs enjeux sont cruciaux pour les départements de l’Indre-et-Loire, du Loir-et-Cher et du Loiret, tels que la lutte contre la destruction des habitats naturels, lesquels ne cessent de se dégrader sur tout le ressort de la cour, la lutte contre la perte de biodiversité, la restauration  de la qualité des eaux et la garantie de la ressource, la prévention des risques naturels, industriels et technologiques (tels que les inondations), la préservation de la condition de vie des animaux, et plus généralement la prévention de toute atteinte portée à l’environnement et aux éléments qui le composent, de même que la lutte contre les conséquences du changement climatique.

La sensibilité environnementale est forte et les activités humaines susceptibles d’y porter atteinte sont nombreuses.

3 TABLES RONDES SONT ORGANISÉES POUR TRAITER LA PROBLÉMATIQUE

Tables rondes

 

Table 1

INTRODUCTION DE LA TABLE RONDE PAR MONSIEUR THIBAUD DUVERGER, TECHNICIEN IMMOBILIER À LA COUR D’APPEL D’ORLÉANS.

Animation

Les résultats de l’animation « énergie » sont présentés.

« Prendre notre destin climatique et énergétique en main » Plan de sobriété énergétique – 6 octobre 2022

Les différentes sources d’énergie qu’elles soient carbonées ou peu carbonées ont un impact direct sur notre environnement car elles émettent des gaz à effet de serre (GES) en partie responsable du réchauffement climatique. Il est donc crucial de se débarrasser des énergies fossiles et de « prendre notre destin climatique et énergétique en main ».

La transition énergétique dispose de 3 piliers : Le changement des modes de production ; L’efficacité énergétique et la sobriété. Ses 3 principaux objectifs sont : Réduire les émissions de gaz à effet de serre ; Diminuer la consommation d’énergie ; Augmenter la part de production d’énergie renouvelable

« Quel que soit les secteurs d’activité concernés, la construction, la rénovation et l’exploitation/maintenance des bâtiments sont directement concernés par la transition énergétique. Le bâtiment étant le premier consommateur d’énergie en France, avec 44% de consommation finale et responsable de 19% des émissions de gaz à effet de serre, l’efficacité énergétique du parc bâti actuel et sa rénovation constituent un enjeu important.

La loi ELAN impose d’ici 2050 une diminution de 60% des consommations d’énergie à l’ensemble des bâtiments tertiaires. La réduction de la consommation d’énergie devra intervenir soit à l’aide de travaux de rénovation, soit par des actions portant sur le comportement des occupants. »

 

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES CENTRE-VAL DE LOIRE, DIRECTION DE L’IMMOBILIER DE L’ÉTATMONSIEUR OLIVIER DE SORAS –RESPONSABLE RÉGIONAL DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

 « Quelle ambition environnementale pour le parc immobilier de L’Etat en région Centre-Val de Loire) ? »

La politique immobilière de l’État, par essence interministérielle et transversale, concerne un parc immobilier vaste et de nature très variée : bureaux, logements, lieux d'enseignement, monuments historiques, lieux de culte, immobilier spécifique (forces de l’ordre, Justice) sans oublier des terrains non bâtis.


La recherche de performance environnementale du parc immobilier bâti s'inscrit dans une trajectoire tracée dès les années '90 ("facteur 4") et régulièrement complétée depuis : Grenelle 2010, stratégie nationale bas carbone 2015, loi Élan 2018 et le "décret tertiaire" …


Les enjeux sont multiples : - baisse des consommations, décarbonation, efficience, sobriété des usages … Schématiquement, trois principaux leviers, d'ailleurs cumulables, peuvent être identifiés : le bâti ; la gestion et les usages et les comportements dont l'impact est loin d'être secondaire : on estime en effet que si environ 60% des gains énergétiques sont à rechercher dans le bâti, les 40% restant le sont dans l'utilisation.

La réduction quantitative du parc, notamment dans le cadre d'une approche renouvelée des espaces de travail pour mieux répondre aux attentes et évolutions que la crise sanitaire a amplifiées, constitue à l’évidence la première source d’économie.

De nombreuses actions ont déjà été engagées (plans de relance et de résilience, mise en place de réseaux d'acteurs, par exemple) et d'autres sont encore à concrétiser, avec une double exigence de sobriété et d'efficience des investissements.

En matière immobilière, aucune réponse unique, duplicable ou industrielle n'existe. Enfin, le sujet n’est pas uniquement technique, ni du ressort exclusif des spécialistes de la gestion de parc : les changements de comportements des utilisateurs, c'est à dire nous tous, individuellement et collectivement ont un impact substantiel.

 

MINISTÈRE DE LA JUSTICE, SECRÉTARIAT GÉNÉRAL, DÉLÉGATION INTERRÉGIONALE GRAND-CENTRE  - MONSIEUR HAMIDANE ASSILA CHEF DU DÉPARTEMENT IMMOBILIER

 « Quelle est la stratégie permettant au patrimoine immobilier Justice, d’être conforme aux échéances du DEET ? » :

Éco Énergie Tertiaire (EET) est une obligation réglementaire qui engage tous les acteurs du tertiaire vers la sobriété énergétique. Issue du décret tertiaire (article 175 de la loi Élan), elle impose une réduction progressive de la consommation d’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire afin de lutter contre le changement climatique. Sur le ressort de la cour d’appel d’Orléans les sites assujettis sont les suivants :

Les stratégies sont l’objet de nombreux échanges entre les départements immobiliers et en lien avec les bureaux du service immobilier ministériel. La DIRSG Grand Centre, en lien avec ses partenaires locaux et ses interlocuteurs en centrale (SIM), travaille actuellement à parfaire la fiabilisation d’un état de consommation contextualisé des sites assujettis pour lancer prochainement une expertise sur ces sites permettant de préciser les actions (sur les 3 axes : comportements, entretien/maintenance et investissement) nécessaires.

Pour autant, la problématique énergétique n’est pas nouvelle et, parallèlement à cette démarche du décret éco énergie tertiaire, d’importantes opérations d’investissement pour l’amélioration énergétique sont d’ores et déjà financées sur le BOP 166, notamment sur le ressort de la CA Orléans. Remplacement des menuiseries au palais de Justice d’Orléans, amélioration énergétique et rénovation globale a palais de Justice de Montargis, raccordement au réseau de chaleur urbain au palais de Justice de Tours.

Réduire progressivement la consommation énergétique du bâtiment : 40% en 2030, 50% e 2040 et 60% en 2050.

 

INSTITUT FRANÇAIS POUR LA PERFORMANCE DU BÂTIMENT (IFPB) – MADAME NATHALIE LERDERMAN – RESPONSABLE DE PROGRAMMES CUBE

L’IFPEB est créé en 2007 au moment de l’élaboration du Grenelle de l’environnement. Le souhait des fondateurs est de créer d’une véritable école de l’excellence opérationnelle avec pour objectif de concilier exemplarité environnementale et réalité opérationnelle afin d’accélérer l’émergence de nouveaux marchés.

L’IFPEB organise plusieurs concours d’économie d’énergie désormais réunis sous l’égide du Championnat de France des économies d’énergie. Chaque année, des centaines d’acteurs publics et privés s’engagent dans ces concours pour réduire les consommations d’énergie de leurs bâtiments à travers des compétitions mobilisant toute leur organisation autour d’une action de terrain, concrète, ludique et fédératrice.

CUBE est la ligue du Championnat de France des économies d’énergie dédiée aux bâtiments tertiaires. Il s’agit d’un concours d’1 an au travers duquel propriétaire, exploitants et usagers se mobilisent pour réduire les consommations d’énergie de leur bâtiment en travaillant sur l’usage et l’exploitation: 13% d’économies en moyenne et au-delà de 40% pour les gagnants du concours. Le concours permet de mettre en réseau les acteurs qui doivent se parler pour gérer le bâtiment, y compris les usagers car cela passe beaucoup par eux.

 « La sobriété ce n’est pas que contrainte, ça doit être joyeux et ludique »

Le TJ de Bordeaux a relevé le défi et a été gagnant du concours. Voir ici le film du retour d’expérience. 

 

Table 2

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS – MADAME STÉPHANIE CLÉMENT-BORNET, SUBSTITUT DU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

Le droit pénal de l’environnement est un droit en pleine mutation et qui doit faire face à des situations variées. L’environnement est un enjeu désormais majeur dans laquelle l’intervention judiciaire a toute sa place ainsi que le rappelle la dernière circulaire de politique pénale du Garde des Sceaux.  

La volonté de spécialisation de la justice en la matière s’est récemment illustrée par le renforcement du dispositif répressif à travers la création des pôles régionaux environnementaux institués par la loi du 24 décembre 2020 et le décret du 16 mars 2021. Par ailleurs, la circulaire du 11 mai 2021 relative au renforcement du rôle de la justice en matière environnementale témoigne de cette volonté d’inciter les juridictions à renforcer leurs compétences et à inciter les parquets à mener une politique pénale environnementale ambitieuse, à la hauteur des enjeux environnementaux présents et à venir.

La loi du 24 décembre 2021 a vu la création des pôles ré

Il s’agit d’un contentieux technique d’où l’importance de l’action des services spécialisés en particulier l’OCLAESP et OFB qui interviennent sur cette table ronde.

Il y a une forte nécessité de travailler à une meilleure coordination des services car il y a le lien entre les infractions environnementales et infractions économiques et financières est très présent.

Sur le ressort de la cour d’appel d’Orléans, il y a une volonté de mutualiser un certain nombre d’actions grâce notamment au recrutement d’une assistante spécialisée et à l’impulsion de monsieur le procureur général, qui a fait de la politique pénale environnementale une priorité.  

 

Un magistrat référent a été désigné au sein de chaque parquet et un pôle régional environnemental au sein de chaque CA a été désigné, il est à basé à Tours pour le ressort de la cour.

Les intervenants vous présenteront les différentes actions judiciaires en matières d’environnement ainsi que la mise en place de moyens.

 

Salle 1

 

OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ (OFB) -  M. JEAN-NOËL RIEFFEL, DIRECTEUR RÉGIONAL DE LA DIRECTION RÉGIONALE CENTRE-VAL DE LOIRE

L’OFB a été créé le 1er janvier 2020 (loi 2019-773 du 24 juillet 2019) ; il est sous tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Ses missions sont de protéger et reconquérir la biodiversité à travers une expertise technique et un appui aux politiques publiques et aux acteurs et la police de l’environnement.

L’OFB en Centre-Val de Loire c’est 115 agents, avec le siège à Orléans : 4 services régionaux, 6 services départementaux et plusieurs directions nationales présentes dans la région. Notamment les brigades mobiles d’intervention (Orléans) et le service de police judiciaire et renseignement à Blois.

Les enjeux environnementaux en région Centre-Val de Loire :  Une région traversée par de grands cours d’eau stratégiques, un territoire agricole majeur, la présence de nombreuse zones humides et massifs forestiers et une activité cynégétique importante.  

Les inspecteurs de l’environnement ont un domaine de compétence étendu, ils ont des prérogatives judiciaires issues de lois spéciales, ils ne sont pas des officiers de police judiciaire et conduisent des enquêtes non coercitives.

Il est à noter le déploiement à venir des officiers judiciaires de l’environnement (OJE) qui auront la possibilité de recourir à la coercition (Garde à vue notamment). Il y va y en avoir dans un premier temps 8 dans 2 antennes : Angers et Valence, avec un objectif à 20.

Présentation d’un bilan chiffré (voir le support projeté en séance) : 280 enquêtes judiciaires en 2022 et 396 timbres amendes notamment.

Focus sur quelques opérations (accéder au support présenté en séance) : une situation de crise sècheresse exceptionnelle en 2022, enquête judiciaire ouverte contre un élevage d’oiseaux dans le Loiret et une autre relative à la chasse commerciale en Indre-et-Loire et enfin une opération de protection des nids de busards en site natura 2000 dans le Loir-et-Cher.  

 

OFFICE CENTRAL DE LUTTE CONTRE LES ATTEINTES À L'ENVIRONNEMENT ET À LA SANTÉ PUBLIQUE (OCLAESP) - GÉNÉRAL SYLVAIN NOYAU, CHEF DE L’OCLAESP

 

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) est une unité interministérielle de police judiciaire qui a été créée en 2004. Au-delà des enquêtes et parmi ses autres missions, il est désigné comme chef de file en matière de renseignement de criminel, avec l’objectif d’identifier les menaces liées à ses contentieux.

Il s’agit évidemment des dégradations subies par la nature, des conséquences sur la santé publique et de l’implication croissante de la criminalité organisée dans ces formes de délinquance par ailleurs en augmentation et pouvant faire naître autour d’elles des violences et des tensions sociales, comme sur le sujet de l’eau.

À titre d’exemple, le trafic de civelles (trafic très rentable) est passible de 7 ans de prison contre 30 ans pour le trafic de Cannabis. 

Bien lutter contre ces atteintes à l’environnement suppose de disposer d’une vision précise du contentieux et de l’aborder au travers d’une approche globale et coordonnée impliquant tous les acteurs.

5 solutions sont mises en avant : disposer d’une cartographie de la menace ; être mobilisé sur le sujet ; travailler de manière collective : répression, prévention, accompagnement ; un travail essentiel de formation des enquêteurs et des magistrats et enfin mettre en place des dispositifs innovants.

La criminalité environnementale doit devenir une priorité à l’instar des autres, force est de constater que ce n’est pas pour le moment, la priorité des enquêteurs et des acteurs judiciaires.

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONTARGIS – MADAME ANNE SAUVESTRE, SUBSTITUT DU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE DE MONTARGIS.

En matière de droit pénal de l’environnement, le fonctionnement est classique avec quelques particularités liées à la technicité de la matière et un champ d’application très large (questions d’urbanisme, de condition animale, chasse, déchets, etc.).

Sur ce contentieux est mise en avant l’importance de la concertation : communication et coopération entre les différents acteurs de la justice pénale environnementale.

Sur la cour d’appel d’Orléans, sans attendre ce décret, des COLDEN (comité opérationnel de lutte contre le délinquance environnementale) ont d’ores et déjà été mis en place dans les 3 départements :

  • Le premier COLDEN pour le Loiret a eu lieu en avril dernier
  • En Indre et Loir, le troisième doit avoir lieu en juillet prochain
  • Dans le Loir-et-Cher, le premier COLDEN aura lieu très prochainement, le 26 juin

 

Il s’agit de regrouper l’ensemble des services de l’État dotés de compétences en matière de police judiciaire de l’environnement, de l’urbanisme et de la protection animale sous la direction du Parquet.

Pour les infractions de moindre gravité, quand les faits sont reconnus et que la personne mise en cause n’est pas ou peu connue de la justice (transaction pénale, composition pénale, stage de citoyenneté) il est possible de recourir aux alternatives aux poursuites.

La transaction pénale permet une amende transactionnelle et fixent quelques obligations, notamment la réparation d’un dommage ou la remise en conformité des lieux.

La composition pénale, et notamment le stage de citoyenneté. Il sera prochainement mis en place sous un format régionalisé au niveau du ressort.

La convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale consiste, avant mise en mouvement de l’action publique, en la conclusion d’une convention entre le procureur de la République et une personne morale mise en cause pour des faits d’atteinte à la probité ou à l’environnement. L’objectif visé est l’efficacité et la rapidité.

Le référé pénal environnement est une mesure d’urgence pour prévenir ou faire cesser une atteinte à l’environnement.

 

Table 3

INTRODUCTION DE LA TABLE RONDE PAR MME FANNY CHENOT, CONSEILLÈRE À LA COUR D’APPEL D’ORLÉANS.

La protection de l’environnement relève de l’intérêt général. Et c’est au ministère public que revient en principe, dans notre système de droit, la défense de l’intérêt général.

En pratique cependant, les généralistes de la répression, policiers et gendarmes, sont encore assez peu sensibilisés aux infractions environnementales, et déjà débordés par des tâches jugées plus urgentes par la population. 

Quant aux fonctionnaires spécialisés, ils sont si peu nombreux que leur action n’a qu’une valeur symbolique au regard de l’ampleur des atteintes à l’environnement.

Dans contexte, il n’est pas inutile, que la protection de l’environnement passe par la défense des intérêts particuliers, et par l’intervention du juge civil. Dans cette matière, la somme des actions particulières peut donc servir l’intérêt général

Le juge civil dispose d’outils efficaces pour assurer la protection du cadre de vie des particuliers, et donc, indirectement, la protection de notre environnement.

Avec une limite importante cependant. Contrairement au juge anglo-saxon, le juge français ne peut pas accorder de dommages-intérêts punitifs ; les dommages et intérêts alloués ne peuvent pas dépasser l’équivalant du préjudice subi.

Pour être efficace, le juge civil doit donc être imaginatif. Plutôt que de prononcer des condamnations sous forme de dommages et intérêts, il peut prononcer ce qu’on appelle des condamnations en nature ou prescrire que les activités nuisibles soient exercées de manière à ne pas troubler le voisinage.  

Et lorsque l’application des règles de responsabilité qui découlent de la loi n’est pas adéquate, le juge civil dispose d’un autre outil, un outil qu’il a forgé lui-même depuis le milieu du XIXe siècle : un outil qui compte aujourd’hui parmi la quinzaine des principes généraux du droit issue de la construction jurisprudentielle : le principe selon lequel « nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». Cette règle n’a l’air de rien, et semble devoir s’appliquer aux petits litiges entre voisins peu tolérants ; La réalité est cependant toute autre, ce principe général du droit constitue sans doute l’instrument de protection de l’environnement le plus précieux, notamment parce que la règle prétorienne permet de contourner les règles d’exception qui ont été votées ici et là pour interdire au juge civil, lorsqu’il est saisi sur des fondements légaux traditionnels, de faire cesser certaines atteintes à l’environnement.

La justice civile a donc un grand rôle à jouer en matière environnementale

« Si les avocats civilistes investissent cette matière. Si, nous, magistrats civilistes, nous montrons à la hauteur de l’enjeu, et apportons des réponses efficaces, la justice civile contribuera très utilement à la protection de l’environnement. 

Une chose est certaine en tous cas : nous disposons des outils juridiques pour répondre à la problématique environnementale, et n’avons donc pas besoin de lois nouvelles ! »

SAlle 2

BARREAU D’ORLÉANS - ME AURÉLIE WEINKOPF, AVOCATE AU BARREAU D'ORLÉANS, SPÉCIALISÉE EN DROIT PUBLIC, MEMBRE DU CONSEIL DE L'ORDRE

L’avocat en droit de l’environnement : panorama 

L’avocat exerce des missions de conseil et d’assistance et des missions contentieuses de représentation. En droit de l’environnement, ses compétences sont mises en œuvre dans un domaine particulier qui irrigue toutes les branches du droit.

 

En premier lieu, en raison de la nature du droit de l’environnement, les actions de prévention sont à favoriser. Le droit administratif est donc un outil majeur de préservation.

L’avocat accompagne les particuliers, industriels, exploitants agricoles, association de protection de l’environnement et les collectivités dans les demandes d’autorisation dans les régimes de la régulation des activités économiques (ICPE, Energie, Déchets), de la protection de la faune et de la flore (Chasse, Espèces protégées) et de la protection des milieux naturels (Natura 2000, Urbanisme, Aménagement). 

L’avocat représente également les différents acteurs dans les contentieux liés à ces régimes de polices administratives : refus de délivrance, contestation des tiers, sanctions et responsabilité (« l’affaire du siècle »).

 

En deuxième lieu, en raison de la globalité des enjeux du droit de l’environnement, l’avocat en droit de l’environnement, en qualité d’auxiliaire de justice, a vocation à intervenir devant toutes les juridictions (civile et pénale).

L’importance de la préservation de l’environnement a abouti à un arsenal de textes juridiques de toutes natures (constitutionnel, international, européen, législatif et réglementaire).

Le principe d’intégration du droit de l’environnement se traduit par une transversalité et une grande diversité de la règlementation environnementale.

En conclusion, l’avocat est un acteur incontournable pour la mise en œuvre du droit de l’environnement.

 

FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT – M. JEROME GRAEFE, JURISTE AU NIVEAU NATIONAL

Fondée en 1968, France Nature Environnement (FNE) se bat pour la protection de la nature et de l’environnement. Reconnue d’utilité publique en 1976, la fédération regroupe près de 6 209 associations de protection de la nature et de l’environnement.

Dans le cadre de ses actions FNE utilise depuis longtemps le droit comme levier de protection de l’environnement via son réseau juridique. Il regroupe près de 80 juristes sur l’ensemble du territoire dont près d’une trentaine de juristes salariés au sein du mouvement FNE.

 

Les juristes utilisent le droit pour protéger l’environnement à tous les niveaux, local, national, européen, international devant toutes juridictions et contre tous types d’acteurs. Le réseau juridique a pour objectifs de s’assurer du respect, de l’application, de l’amélioration du droit de l’environnement ainsi que de faire sanctionner ses violations. Comme le droit de l’environnement est avant tout un droit de la prévention, l’action des associations vise d’abord à prévenir les atteintes avant la réparation.

En 2022 FNE a lancé et suivi en 2022 plus de 350 instances contentieuses devant le juge pénal, civil, administratif, constitutionnel. Concernant l’action civile contentieuse des associations, elle s’exerce principalement devant le juge pénal. Le contrôle et la répression du non-respect du droit de l’environnement permet la crédibilité de l’ensemble des règles imposées par le code de l’environnement. Les associations ne défendent pas d’intérêt particulier, elles défendent un intérêt collectif : l’intérêt fondamental de la nation qu’est celui « la sauvegarde de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement ».

C’est ainsi que FNE mobilise le droit pour pousser l’État à assurer le contrôle administratif des mesures de prévention, pour contribuer à la crédibilité de la police judiciaire de l’environnement, pour mobiliser les parquets, sensibiliser les juges aux enjeux environnementaux et être actrices du procès en apportant une expertise de terrain.

FNE et ses associations membres sont des associations citoyennes mobilisées sur le terrain pour la défense de notre « patrimoine commun » pour un monde vivable.

FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT – MME CAROLE DEVEAU, JURISTE BÉNÉVOLE EN CENTRE-VAL-DE-LOIRE

Dans les années 80, constatant que leurs investissements et leurs alertes ont un impact limité, les associations intègrent l'outil juridique comme moyen d'action. Par exemple, dans certains départements de France, après plusieurs années de mobilisation, les associations doivent menacer FRANCE TELECOM, entreprise d'État, d'une plainte et de contentieux pour obtenir qu'elle bouche les millions de poteaux métalliques creux constituant des pièges mortels pour les oiseaux.

Au niveau régional, France Nature Environnement Centre-Val de Loire, fédérant les associations et fédérations départementales de la région, mène peu de contentieux au regard des faits de destruction qui lui sont remontés par ses associations membres, les adhérents et toute personne composant un réseau de « Sentinelles de la nature ».

La fédération et ses associations membres n'étant riches que du temps de leurs bénévoles, peuvent s’attacher les services d’avocats pour se faire représenter. Elles les financent grâce à des appels à dons dédiés ou via leurs fonds propres provenant de dons libres ou de leurs adhésions.

Actuellement, les associations sont particulièrement inquiètes des projets de rénovation qui peuvent se solder par la destruction des habitats de nombreuses espèces inféodées aux bâtiments : chauves-souris, hirondelles, martinets, chouettes...

La FNE déplore aussi que de nombreux projets inscrits dans les programmes de transition énergétique et autorisés par les préfectures aient pour conséquence la destruction de très nombreuses zones naturelles et/ou humides. Sur ce sujet, les associations d'Indre et Loire sont engagées dans plusieurs contentieux administratifs.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS - MME VALÉRIE ROUSSEAU - 1ÈRE VICE-PRÉSIDENTE AU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOURS

La responsabilité environnementale : Articles 1248 et suivants du code civil. Le préjudice écologique réparable est celui qui atteint de manière non négligeable les éléments ou fonctions des écosystèmes ou les bénéfices collectifs que l’homme tire de l’environnement.

Le caractère non négligeable est déterminé par le juge qui doit pouvoir être éclairé par des éléments objectifs tels que des constats de commissaire de justice et expertises.  

Le délai de prescription est identique au délai en matière de réparation du préjudice corporel : 10 ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaitre la manifestation du préjudice écologique.

La réparation en nature qu’il faut privilégier (par exemple reboiser, réintroduire des animaux..) mais qui ne doit pas être systématique car elle peut s’avérer dangereuse (le nettoyage des hydrocarbures sur le littoral est nocif au monde végétal et animal). S’agissant de la réparation pécuniaire, il est souvent difficile d’évaluer le coût de la réparation : se référer au coût de la remise en état, au budget dépensé en pure perte plus le coût de la réfection ?

À ce jour, seuls les particuliers saisissent le tribunal judiciaire pour faire reconnaitre leurs droits. Aucune action civile n’a été initiée par l’État, par les associations ni par aucun protagoniste ayant intérêt et qualité à agir tel que prévu par l’article 1248 du code civil. Le tribunal judiciaire de Tours, juridiction spécialement désignée pour connaître de ces actions relatives au préjudice écologique n’a pas été saisi ni de manière préventive ni pour le réparer.

Le juge civil fait désormais partie des acteurs de la protection de l’environnement.

L’’environnement imprègne de nombreux secteurs du droit civil et le juge civil dispose de nombreux outils juridiques pour lutter contre la dégradation de l’environnement et la préservation de la biodiversité.

 

Monsieur Denis CHAUSSERIE-LAPRÉE - PROCUREUR GÉNÉRAL

 CONCLUSION DES ÉCHANGES

 

CCL PG

Après avoir remercié l’OFB et l’agence de l’eau pour son accueil, salué la qualité des interventions de chacun et remercié les équipes en charge de l’organisation le procureur général conclue les échanges.

« L’environnement est une responsabilité individuelles et collective »

S’agissant de la gestion des bâtiments et de l’éco-responsabilité, ou sobriété, il y a beaucoup de choses à faire, qui passe comme l’ont dit les intervenants par les usagers beaucoup. Et l’on peut faire de cela quelque chose de « joyeux », comme cela a été indiqué par une des intervenantes. C’est le sens des juridictions vertes par exemple qui regroupe les usagers autour d’un objectif.

« L’environnement doit devenir un enjeu dans nos modes de fonctionnement au quotidien »

Si le préjudice écologique n’a pas encore été invoqué, le juge civil dispose d’outils efficaces pour assurer la protection du cadre de vie des particuliers et donc de la protection de l’environnement, cela a pu être démontré lors des présentations.

La présence de tiers dans le dispositif est essentielle, les associations, les avocats …

En effet, le judiciaire peut agir, mais il ne peut pas le faire seul. Il doit pouvoir coordonner son action avec les services de l’État, les enquêteurs etc. 

C’est dans ce sens que les COLDEN dans leur mise en place sont très pertinents, mais les services d’enquêtes doivent être mobilisés pour que le dispositif fonctionne.

A l’occasion de la désignation du pôle environnemental au tribunal judiciaire de Tours, il a été procédé au recrutement d’une assistante spécialisée sur le domaine de l’environnement rattachée au procureur général. Par ailleurs, la mise en place de référents « environnement » dans les parquets du ressort permet le traitement spécialisé de ce contentieux.

« Ce qui nous réunit c’est la conviction que c’est par le droit que l’on progresse. Il est en effet essentiel d’encadrer l’activité humaine. »

Il est important que l’on trouve ensemble des modes de fonctionnements et des systèmes qui nous permettent de garantir un avenir à la nature, aux enfants….

Le droit pénal ne peut pas tout embrasser mais il y a la force du symbole ; chaque auteur d’infraction doit avoir la « menace » d’être puni.  

Salle 3

Pièces jointes