Audience solennelle de rentrée : bilan 2024 et perspectives 2025

Dans ce contexte, le premier président et la procureure générale ont tour à tour présenté les défis auxquels la justice est confrontée.
Lors de son discours, le premier président a souligné le rôle protecteur de l’institution judiciaire, la nécessité de s’adapter aux enjeux contemporains et l'importance de mener à bien des réformes structurelles.
La Justice protège aussi bien dans les aspects les plus quotidiens de la vie des justiciables que dans des circonstances exceptionnelles.
Au quotidien, la justice protège dans le cadre de la lutte contre les violences intrafamiliales, ou en enjoignant à des fournisseurs d’accès à l’internet de procéder au blocage de certains sites mettant à disposition des contenus pornographiques jusqu’à ce qu’il soit démontré la mise en œuvre d’un contrôle effectif de l’âge des utilisateurs, ou encore en traitant du contentieux des baux d’habitation, des procédures collectives et de dossiers de santé publique.
Protéger, c’est aussi garantir la sécurité collective de nos concitoyens face à certaines menaces graves ou lors de grands événements. Ainsi les magistrats de tout le ressort de la cour d’appel se sont ainsi mobilisés pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques, et la cour intensifie encore ses efforts dans la lutte contre le terrorisme et les réseaux criminels en jugeant toujours davantage de dossiers de cette nature.
La Justice s’adapte aux enjeux de son temps.
Elle s’adapte à des débats juridiques toujours plus complexes, à l’image de celui autour de l’élément intentionnel de l’infraction d’association de malfaiteurs terroriste.
Elle s’adapte à la lutte contre la criminalité organisée en renforçant l’efficacité des dispositifs de saisies et confiscations comme vient de le faire la cour en se dotant d’une chambre spécialisée en la matière.
Elle s’adapte aussi en permettant de nouvelles formes de procès nécessitant des locaux et des outils adaptés.
L’institution judiciaire s’adapte pour répondre à son double devoir d’efficacité. Efficacité envers ceux qui la saisissent et efficacité envers la société dans son ensemble.
Au-delà de la question des moyens supplémentaires, la Justice a besoin de réformes structurelles tant pour la justice pénale que civile.
Elle a besoin de réformes législatives de simplification au pénal, et de développer de nouvelles méthodes de travail au civil tels que les modes adaptés de règlement des différends (MARD) ou le recours aux potentialités de l’IA.
La procureure générale a, quant à elle, axé ses propos autour de 3 thèmes majeurs :
- Les effectifs : Après un renforcement temporaire pour les JO 2024, les récentes baisses d’effectif ont provoqué une instabilité. Ce mouvement qui compromet la performance de l’ensemble des parquets du ressort et du parquet général.
- La maîtrise des flux et stocks judiciaires : Après avoir souligné l’action des procureurs de la République du ressort et de leurs équipes en la matière, Madame la procureure générale a fait état de la mise en œuvre d’un audit sur les comparutions immédiates.
Au niveau de la cour d’appel, le stock des dossiers criminels apparaît alarmant. Cette situation est due en grande partie à l’instauration des cours criminelles départementales, en raison des délais dans lesquels les accusés détenus doivent être jugés et des appels des condamnations qui viennent accroître le stock des affaires criminelles du second degré.
Plusieurs pistes de réforme sont à envisager : la révision de la procédure pénale dans le sens de l’atténuation du principe de l’oralité des débats et la mise en place d’audiences consacrées au seul choix de la peine.
En matière correctionnelle, le stock d’affaires en cours a connu une nouvelle évolution de 26% en 2024. Des mesures ont déjà été mises en œuvre pour résorber ce stock : mise en état renforcée des dossiers, généralisation de la numérisation des procédures recours à de nouveaux outils de pilotage, et approfondissement du recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
- La surpopulation carcérale : Avec un taux d’occupation moyen de 145 %, cette situation exacerbe les tensions et impose des réformes procédurales urgentes.
Malgré ces contraintes, le ministère public reste mobilisé sur des priorités essentielles : la lutte contre le terrorisme, la poursuite infractions antisémites, la lutte contre les violences familiales, et celle contre la criminalité organisée.
Dans ce dernier champ, il apparaît essentiel de lutter contre la corruption et le blanchiment d'argent afin de préserver l'État de droit. La procureure générale a présenté 3 leviers d’action prioritaires :
- Renforcer les effectifs et les compétences des magistrats et équipes juridictionnelles pour garantir une réponse judiciaire solide et pérenne.
- Adapter le cadre législatif : en améliorant le statut des repentis, en élargissant les moyens d’enquêtes et en optimisant le fonctionnement des juridictions spécialisées.
- Approfondir la coordination : en exploitant pleinement les structures existantes, et notamment la JUNALCO, adossée à deux cellules, l’une opérationnelle rattachée au parquet de Paris et l’autre stratégique sous le pilotage de la direction des affaires criminelles et de grâces.
La procureure générale a enfin rappelé la nécessité d’exploiter les opportunités offertes par l’intelligence artificielle, et a présenté le projet développé au sein du parquet général avec le concours du Secrétariat général.
Elle a conclu ses propos en invitant à une réforme du statut du ministère public, afin de lui garantir une indépendance pleine et entière dans l’exercice de ses fonctions et d’asseoir la confiance des citoyens dans leur justice.